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Photo du rédacteurJulien de Weijer

The last ride

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Seconde destination - La pointe sud : https://cloud.degoo.com/share/BgQaSEpfFkL5Eq

 


Comme après chaque temps de repos, je marche quelques dizaines de minutes, jusqu’à atteindre un premier spot où je puis lever ma pancarte. Comme très souvent, j’arrive à un arrêt de bus situé sur l’une des principales arêtes de la ville. Du centre de Fukuoka, je commence mon stop en direction vers l’est, puis vers le sud, afin de me sortir de la ville, et ce, dans la direction qui m’arrange.


Le premier à s’arrêter est un gentil businessman qui prend un peu de son temps pour me sortir de la ville. À un Michi no Eki, littéralement une station de route, il m’offre une glace et un petit souvenir de la région. De plus, il me parle d’un fruit que, même après avoir traduit en anglais et en français, je ne connais pas. Je découvre ce qu’est donc une nèfle. Et en voyant la photo, je me souviens que j’en ai mangé en Iran.


En profitant de ma glace, je rencontre deux vieilles personnes, super gentilles. Mais alors que je n’ai même pas commencé à me mettre en mode auto-stoppeur, elles s’inquiètent déjà pour un simple jeune voyageur à sac à dos.


Après m’être fait avancer quelques fois, un mec fonce sur l’autoroute à 150-180 km/h, ce qui au Japon est bien sûr interdit et extrêmement rare. D’autres pays, dans lesquels j’ai voyagé, sont bien moins regardant sur la loi, tant la police que les conducteurs.


J’arrive donc assez rapidement à Nagasaki. À la recherche d’un endroit où m’arrêter la nuit, je demande l’hospitalité à une petite église catholique ainsi que plusieurs temples. Mais il est dix-neuves heures, il fait déjà nuit, et je n’ai toujours pas trouvé un lieu qui puisse m’accepter. J’atteins la cathédrale de la ville, mais il n’y a personne. Je vais alors à la maternelle d’à côté, demander s’il serait possible de dormir dans la chapelle pour la nuit. Mais on m’y refuse également. La gérante me précise qu’il y a une sonnette aux bâtiments annexes de l’église. Vraiment ? J’ai pourtant vérifié… J’y retourne à la cathédrale. Et une fois devant cette seule sonnette, je réalise que c’en est une à multiples étages. Il faut sélectionner l’étage avant d’appeler – ce que je n’ai pas fait avant. Et moi qui affirmais à la gérante qu’il n’y en avait pas… Voilà mon erreur.


J’appelle étage par étage. J’en suis au trois, ou quatrième, bouton. Mais je reste sans réponse… Continuons. Soudain, j’aperçois dans le noir, à travers la porte vitrée, une fille qui regarde. On croirait un fantôme… Je la salue. Mais elle ne réagit pas. Étrange. Je réfléchis et comprends que je fais simplement face à son reflet. Et en effet, en me retournant, je me surprends de la voir marcher aussi doucement, à quelques mètres derrière moi. Elle a peut-être peur de me déranger, ou juste de me surprendre. Qui sait ?... Je demande à cette fille super timide si elle saurait éventuellement s’il y a quelqu’un à l’intérieur. Mais difficile de recevoir une réponse claire de sa part. Peut-être qu’elle est terrifiée au fait d’être questionnée à une heure si tardive. Mais quelques instants plus tard, un vieux monsieur débarque (de l’extérieur comme la fille). Alors que je suis seul autour de cette église depuis des dizaines de minutes, deux personnes, arrivent séparément au même moment. Étonnant. Mais malheureusement, l’un comme l’autre n’ont pas accès à ce bâtiment. Et encore moins en capacité à me dire si, oui ou non, il m’est possible de dormir dans l’église.


Je discute alors un temps avec la jeune fille. Elle doit rendre des documents – des études peut-être ? – au prêtre. Quelques instants plus tard, le prêtre qu’elle doit rencontrer ouvre enfin la porte. Je lui demande ma fameuse question, mais ça s’annonce compliqué. En réalité, « compliqué » signifie poliment : « Non merci, va-t-en, et ne m’embête pas, s’il te plaît ». Il m’a notamment refusé, parce que son supérieur n’est pas là pour m’autoriser… Déçu, je réfléchis à où aller… Tandis que le prêtre et la jeune fille sont assis autour de leurs documents, une voiture arrive. Je sais bien que l’autre prêtre m’a refusé. Mais, un jour au Chili, j’ai insisté auprès d’une caserne de pompiers, alors que je venais tout juste de m’être fait recaler par un homme qui y travaillait. Et insister a effectivement fonctionné ce jour-là ! Je décide alors, aujourd’hui également, de retenter ma chance auprès de ce vieux monsieur. Je lui demande alors s’il ne serait pas prêtre… Mais il faut croire que non. Quelle déception !... « Par contre, le monsieur là-bas, lui l’est », ajoute-t-il. Il désigne un homme qui vient tout juste de sortir du bâtiment duquel on m’a refusé. Et mince… J’imagine que c’est le prêtre d’avant. Je me retourne et vois que ce n’est pas le même homme. Et même s’il est plus jeune (il a donc moins de chance d’être le supérieur), je me dis : « Qui ne tente rien, n’a rien ». Il me demande d’attendre et repart alors dans le bâtiment d’où il est venu pour discuter avec celui qui m’a répondu à l’instant « compliqué ». Et Merde ! Il revient vers moi. Mais je ne me fais pas d’illusion. C’est mort. Lorsqu’il est à distance de parler, je lui dis : « Pas de soucis, je comprends… », mais il me coupe en disant : « C’est bien pour une nuit, c’est bien ça ? ». Surpris, je lui réponds que oui, bien entendu. C’est super ! Génial ! Je suis soulagé. J’en ai bavé dis-donc… Mais je suis content. J’y suis allé et j’ai insisté. Ça en vaut le coup ! J’ai même le luxe de partir quand bon me semble. Mais étant donné du fait qu’une messe a lieu tôt le matin, je préfère y aller et partir une fois la célébration terminée. Le seul hic est qu’il n’y en a qu’une seule et qui est à six heures du matin. Bon ben, je n’aurai qu’à me lever de bonne heure et en profiter pour commencer tôt ma journée de stop.


Nagasaki, Japon


Après la messe, une femme m’emmène jusqu’à la sortie de la ville. Et trente minutes plus tard, là revoilà. Vu qu’elle a un peu de temps, elle m’emmène jusqu’au ferry. Puis, je fais encore un peu de stop avant d’arriver à Kumamoto. Après avoir visité le château, je repars vers le sud. Direction Kagoshima !


En parlant avec un vieux couple qui m’emmène en stop, ils m’invitent finalement à dormir chez eux. Ils sont vraiment gentils ! Je n’aurai pas à faire le tour des églises et des temples ! Néanmoins, je dois lutter contre la fatigue. En effet, je suis invité ! On commence à discuter autour d’un thé et de quelques biscuits. L’homme est veuf et s’est donc remarié avec cette femme. Aujourd’hui, le vieux couple aime tous les deux le golf. Le mari fait également un peu de peinture, de saxophone, et de yaido, l’art de sabrer. Faire autant de choses me semble être la bonne chose à faire pour s’entretenir, notamment une fois la retraite entamée. Et non pas perdre son temps dans des futilités, comme ça m’arrive de temps à autre.


Je remarque que l’écologie devient de plus en plus importante pour moi. Ou du moins, ça grandit. Je devrai moins perdre mon temps, tel que dans des jeux vidéo ou dans le scroll d’actualités Facebook. Aujourd’hui, je suis libre de voyager, de faire ce qui me plaît. Mais au vu réchauffement planétaire, cette liberté de mouvement risque de se retreindre, petit à petit, à de la simple survie. Et si ce n’est moi, ce seront les générations suivantes. Et si je souhaite aller où bon me semble, il est aussi nécessaire d’entretenir le sol que foule, et fouleront, mes pieds. Essayons déjà, d’en limiter les dommages à venir.


Revenons à maintenant. J’ai bien mangé et bien (trop ?) bu ; quelques bières et un verre de chaque alcool fort qu’il me présentait, du calva français et deux types de shochu japonais (alcool réputé dans la région).


Plus tard, la fille de la compagne rentre de son travail. Elle a la trentaine. Mais pas un mot, pas un bonjour, ni même un regard vers l’étranger qui dîne avec ses parents. Perso, je ne lui en veux pas. Chacun a ses problèmes. En plus, si en rentrant, elle est fatiguée (voir saoulée, d’après ce que je vois) du boulot, ça ne doit pas forcément la ravir d’apprendre qu’un auto-stoppeur vient de débarquer dans sa maison familiale et squatte le dîne et la pièce d’à côté de sa chambre. En plus, c’est la maison familiale ! Et je pense que c’est considéré comme plus important qu’en Europe. On pourrait même dire que la maison familiale est sacrée, par le mini temple à l’intention des ancêtres y ayant résidé et présent dans une majorité de maison traditionnelle. Aussi, le fait de ne pas avoir été consulté, malgré son âge, et de ne pas pouvoir remettre en question la décision de sa mère et du conjoint, certainement la frustrer. Peut-être qu’elle le vit comme une intrusion dans sa propre maison. Mais, quoi qu’il en soit, je respecte la gratitude offerte du vieux couple, résidant dans ces lieux. Merci à eux ! Quant à leur fille, je m’en excuse. C’est là que la formule de politesse, ojamashimasu, signifiant littéralement « Je vais vous déranger (et je m’en excuse) », prend tout son sens.


Uto, Japon


J’arrive à Kagoshima. Il y a quelques jours, un type m’a conseillé d’aller au-devant de la gare pour y voir quelque chose d’incroyable. Mais en atteignant cette fameuse destination, j’aperçois une petite rangé de palmiers autour d’un vulgaire parking. C’est tout ? Tant pis. Direction le volcan, Sakurajima.


Après avoir pris le ferry, je continue mon stop jusqu’à atteindre une petite ville nommée Kanoya. Je fais le tour de quelques temples.


Étant donné qu’il n’y que très peu de temple et d’église dans les environs, je demande au second temple si m’est possible de dormir devant, c’est-à-dire dehors. Elle appelle une dame et me propose un minpaku, à la place du shukubo que je demande. Quèsaco ? Au lieu de dormir dans le temple, que ce soit dans une des petites pièces ou simplement devant, elle me propose de dormir chez quelqu’un. Et qu’en plus, ça ne coûterait pas grand-chose. Environ, deux mille yens. Mais je préférerais dormir gratuitement, si c’est possible, devant le temple. Elle me précise que je recevrai également un dîner et un petit-déjeuner. Je réfléchis quelques instants et accepte. Voyons voir ce que c’est. Je m’attends à arriver dans un genre d’hôtel ou d’auberge à moindre prix, tenu par un temple. Mais lorsqu’on arrive chez une vieille dame, je ne comprends plus rien. Sommes-nous arrivés ? Elle me dit de descendre et me tend une petite enveloppe. Je comprends alors que ce minpaku signifie d’être hébergé par un des paroissiens bouddhistes – ou devrais-je dire, chez un des membres du temple ?... – à petit prix. Je me présente et lui tend l’enveloppe. Mais la vieille dame chez qui je loge n’en veut pas. Je la rends alors à la dame du temple, qui, elle non plus, ne souhaite pas la récupérer. Alors que je m’attendais à payer deux mille yens, me voilà avec deux mille en plus. Je le laisserai sur la table… Il est vrai qu’au Japon, se mettre en avant est malvenu. L’humilité est primordiale, comme de ne garder pas rependre de l’argent une fois donné, par exemple.


En discutant avec la grand-mère, j’apprends qu’elle a des doutes sur un de ses contacts. Il est – ou plutôt, serait – chinois et docteur dans l’armée. Il lui demande une grosse somme d’argent pour qu’il puisse financer une opération au dos. Douteux, n’est-ce pas ? J’ai alors commencé à vérifier les photos paraissant les plus douteuses. Et tandis que les photos de lui et de son garçon semblent effectivement bien réelles, celles de son lieu de travail sont certainement fausses. Il aurait pris ces photos ce mois-ci, mais je retrouve exactement les mêmes sur différents sites, dont les plus anciennes datent d’il y plus de dix ans, de la guerre d’Afghanistan. Je ne sais pas ce que la gentille grand-mère, chez qui je loge, compte faire. Mais si au moins, elle a ses doutes sont confirmés. De plus, deux de ses amies, présentent ce soir-ci, sont également au courant. Le monde de l’arnaque est malheureusement bien réel.


Je me couche vers deux heures du matin.


Kagoya, Japon


Je me lève quelques heures plus tard, en pleine nuit, pour aller aux toilettes. Je suis surpris de voir qu’elle ne semble toujours pas couchée. Le matin, j’apprends que dormir quelques heures par jour lui est suffisant ; trois heures, hier soir.


Dans un café, on assiste à un petit concert. Au fur et à mesure de faire du stop, je commence à devenir lasser des nouvelles rencontres. À vrai dire, c’est surtout le fait de répéter ma présentation et de n’en recevoir que des compliments de politesse (qui certes, sont de bonnes foi) ; c’est incroyable de faire du stop à travers tout le Japon ; c’est incroyable de voyager pour une raison telle que l’introspection ; c’est incroyable de parler japonais ; c’est incroyable d’avoir une copine japonaise ; c’est incroyable de vivre au Japon depuis un an et demi ; c’est incroyable d’être Français ; c’est incroyable d’être qui je suis ; c’est incroyable de faire ce que je fais… Face à toutes ces extases, j’ai ma réponse préférée : « Mada, futsu ningen dayo ! », « Je reste un banal être humain ! ». Honnêtement, j’ai hâte de rentrer à Tokyo, de revoir ma copine, puis de repartir et marcher seul. Il faut que je fasse un point avec moi-même.


Le soir, on va à la « Live House », un espèce de grand garage où un groupe d’ami se retrouve autour d’un petit concert improvisé. Il y a un piano, une batterie, quelques guitares, un saxophone ainsi que quelques instruments locaux tels qu’un sanshen, une petite guitare à trois cordes et en peau de serpent d’Okinawa (deux en réalité) ainsi qu’un koro, un genre de violon à une seule corde qui vient de Chine.


Demain, je pars pour mon second objectif. Après Oma, la pointe nord de la grande île de Honshu, je pars pour la pointe sud de l’île de Kyushu, et de la préfecture de Kagoshima. Après quoi, je reprendrai mon stop en direction de la préfecture de Miyazaki.


Kagoya, Japon


Il est dix-heures passé et on est à peine parti…


Avec la gentille grand-mère, et son petit-fils, on arrive à la pointe sud. Depuis le parking où nous sommes garés, il faut encore marcher quelques minutes. Tandis que la grand-mère nous attend ici, je pars avec le petit-fils jusqu’à l’observatoire, marquant l’extrême sud de l’île de Kyushu ainsi que celui de mon voyage en stop. Par contre, il veut y aller courant. Et pas juste cent mètres. Mais tout le long, jusqu’à l’observatoire. C’est tout de même étrange de se retrouver à courir avec un enfant japonais, quasi-inconnu, au milieu de la campagne nippone. J’ai le droit à une sacrée confiance de la part la gentille grand-mère. Quant à lui, quel courage de partir seul avec un adulte qu’il vient à peine de rencontrer la veille ! Mais malgré l’inconfort, les passants me sourient. Une fois arrivée, on prend vite quelques photos. Et au retour, il court bien trop vite. Il manque de tomber par plusieurs occasions.


J’ai prévu de partir aujourd’hui. Mais puisqu’il est quatorze, quinze heures et qu’on est à peine rentré de notre escapade, je reste une dernière nuit.


Le soir, au restaurant, c’est le retour de la « solitude forcée », et non pas de la soif de découverte. Alors qu’il me faut choisir entre le menu avec ou sans boisson à volonté (alcool compris), je pense revivre, comme tant de fois, ce décalage, cette envie de m’isoler de la Gourmandise. C’est bien à cet instant précis, mais aussi dû à l’accumulation, que je me promets de marcher seul. Le fait de ne se divertir que par consommation m’horripile. Mais maintenant, je suis invité. Et le superbe monsieur en face de moi, souhaite boire. Je peux choisir l'humble menu, et prendre le moins possible. Mais je vois que, par sa proposition, il souhaite boire ensemble. Je change alors d’avis et décide de prendre l’alcool à volonté (nomihodai en japonais). Et je vois que par mon choix, il en est heureux. Ensemble, on commence à boire à en oublier nos problèmes et nous passons ainsi une bonne soirée.


Il me raconte, qu’un jour, il a vu une soucoupe volante de ses propres yeux, près du volcan Sakurajima. Son frère et d’autres conducteurs en seraient tous témoins. Je le questionne. Et il n’a pas l’air d’hésiter dans ses réponses. Apparemment, ça ressemblait à une genre d’assiette orange et scintillante. Les yeux dans les yeux, je lui demande s’il ment. Mais avec beaucoup sincérité, il me jure de raconter la vérité. Aussi, son frère aurait été guéri du cancer par un extra-terrestre. Un être tout en orange et uniforme, sans visage, sans trait, sans vêtement. Ça me paraît plus proche d’un fantôme qu’autre chose. Mais ça, ça reste une autre histoire. Je préfère m’intéresser à ce qu’il a réellement vu, lui-même, de ses propres yeux.


Ça fait longtemps que je n’ai pas demandé de conseil. Il me suggère : « Stay straight forward on your own way ! ».


Kagoya, Japon


Après que la gentille grand-mère me dépose, en larme, une autre journée de stop passe.


Je suis frappé par la charité des protestants. Car à chaque fois que j’y demande l’hospitalité, ils acceptent (presque) toujours de me laisser dormir dans l’église avec une telle… une telle… Je n’ai pas le mot. Je dirai qu’ils n’ont pas l’once d’un doute, d’une peur, à m’accepter. Ils ne réfléchissent pas – ou plutôt, ils n’hésitent pas – dix fois à quelle excuse me sortir pour me repousser. Ce soir, cet homme-là regarde franchement et me réponde directement. Quelle franchise ! C’est ça le mot que j’ai oublié. La franchise !


Miyazaki, Japon


En partant, le pasteur me donne une enveloppe. Je peux essayer de refuser, mais difficile à gagner à ce jeu-là, dans une telle situation, face un gentil Japonais.


J’ai perdu mon feutre qui me sert à écrire le nom de mes prochaines destinations sur des pancartes. Un couple s’arrête et me propose de m’emmener dans la même direction, mais uniquement dans une heure et demie. Et même s’ils accepteraient aussi de me laisser dormir dans leur jardin, je préfère continuer.


Et tout en écrivant le nom de ma prochaine destination, avec mon tout nouveau feutre, une voiture s’arrête. Comment ont fait les personnes pour savoir, quand bien-même, je n’ai pas encore fini d’écrire ? Je tourne ma tête vers la voiture… Et je me rends compte que ce sont les trois personnes d’avant qui m’ont emmené jusqu’ici.


Après avoir visité un sanctuaire. Je pars à la recherche d’un lieu où dormir. Le second temple m’accepte. La dame, telle que le protestant d’hier, m’accepte avec beaucoup de franchise ; je suis étonné qu’elle n’est pas hésité plus que ça, ni même qu’elle n’a pas demandé la permission à qui que ce soit, notamment le prêtre, responsable du lieu, qui doit certainement aussi être son mari. C’est étonnant, car c’est bien la première fois que je vois ça. D’ailleurs, le machisme de la société japonaise n’est pas tant connu que ça. La seconde qui suit, le mari en question arrive et est tout aussi d’accord que sa femme. Wow !


D’ailleurs, je décide de prendre un degré de liberté supplémentaire. En général, on ne sort pas faire du tourisme juste après qu’on soit logé, gentiment et gratuitement, par quelqu’un. Mais cette fois-ci, j’ose. Et j’ai une raison bonne raison, d’ailleurs ! Si je visite le sanctuaire et les points d’observations prévus demain, avec mon gros sac sur le dos, ça risque de devenir assez sportif et long – pour ne pas dire, exténuant et sans fin. Ça peut même être mauvais, voir dangereux, pour la santé de mon dos. Je préfère le faire sans mon sac, c’est-à-dire maintenant. En plus, il fait encore jour et j’y gagnerai du temps de stop. Je demande à mon hôte, si cela est possible, qui me répond que je suis libre d’aller où bon me semble.


Je visite donc ce sanctuaire ainsi que des gorges par la même occasion. Je commence la descente, mais je me rends vite compte que si je descends les cinquantaines de mètres restant, je risque d’avoir du mal à remontrer, même sans sac. En plus, il commence à faire nuit. Alors vu que le retour s’annoncerait trop physique, j’opte plutôt pour la photo depuis le pont. Et en regardant en bas, je comprends que j’ai fait le bon choix.


Après cette petite visite, je rentre. Je me rends compte de ma peur de la nature. Bien sûr, je ne crie pas à la moindre branche tordue. Mais dormir dehors, être dans la forêt en pleine nuit, sortir des sentiers battus sont des exemples, dont tout le monde peut comprendre que, face à ça, il est normal d’être mal à l’aise, voir apeuré. Mais je ne trouve pas ça naturel. On barricade tout ; des routes extra-goudronnées au-dessus de la terre, de l’air conditionné isolé de l’air sauvage, des forêts remplacées des autoroutes. Je comprends tout ça. Mais il faut noter que la distance entre nous, les Hommes, et la nature ne semblent que s’éloigner davantage. Et le réchauffement planétaire ne serait alors qu’une réaction, climatique, au fossé qui ne semble pas se rétrécir. Je ne me revendique pas d’être expert en la matière. J’écris mes pensées et mes inquiétudes. Peut-être que mes futurs challenges transparaissent dans l’une de ces réflexions. Si je creuse davantage, une question se pose. La déchirure, est-elle inévitable ? Ou, pourrions-nous, un jour, réconcilier suffisamment (un minimum vivable) la fracture qui sépare notre civilisation, par les barrières que nous érigeons, de l’environnement avec laquelle nous devons nous entendre ? Mais n’est-ce pas déjà trop tard ? La dynamique est peut-être freinable. Mais est-elle inarrêtable ? Et depuis quand ça a commencé ? À l’invention du feu, et c’est une incessante envie de progrès ? Ou simplement depuis l’ère industrielle et son arrivée des énergies fossiles ? Mais dans ce cas… Bon, c’est l’heure de dormir.


Takachiho, Japon


Le Japon, c’est vraiment un pays shikkari (droitement ?...). Un couple, sachant où est ma destination, me laisse à un Michi no Eki, une station de route. Et c’est assez régulier, en fait. Les Japonais, mais pas tous, bien entendu, ont vraiment beaucoup de mal à simplement me laisser à la croisée des chemins. Ils se sentent obligés, je pense, de me déposer à un endroit approprié et référencé.


Je quitte les montagnes. Et après avoir visité une petite cascade d’eau, le conducteur me paye une nuit dans un onsen. Ou plus précisément, dans un centre qui combine bains thermaux et hôtel. Il est donc possible de se baigner et se relaxer, à n’importe quel moment. Et puisqu’il y était manageur, il obtient un petit prix. Par contre, je dormirai dans l’espace détente, et non pas dans un vrai lit. Mais très bien ! Ça rend l’expérience d’autant plus excitante. Je pense que c’est bien la première fois que je m’arrête dans un type d’hébergement du genre. Le conducteur est si gentil, qu’il me donne même tous ces cadeaux qu’il vient de recevoir. Ces petits pains moelleux vont donc faire office de dîner.


Dès mon arrivée, mais aussi, juste avant le coucher, je profite de ces bains tant relaxant. Sans oublier que j’y irai une nouvelle fois demain matin, au levé pour bien me réveiller. Mais la soirée ne s’annonce pas simple ; entre les vieux bourrés et la télé qui ne fait que parler de bouffe…


Oita, Japon


À dix-heures du matin, le conducteur d’hier me cherche devant la porte du centre d’onsen et m’emmène jusqu’au ferry. C’est vraiment limite, car, à cause du typhon qui s’annonce, le service de ferry s’arrête pour quelques jours à partir de treize heures !


Ça tangue pas mal… Je suis tout en haut. Mais finalement, j’opte pour le second étage où je puis m’allonger. Mais une fois arrivé, dans quelle direction devrais-je aller ? Au sud, le typhon et au nord, davantage de corona. Je regarde la carte et comprends très vite que très très peu de personne – pour ne pas dire, personne – semblent partir directement depuis le petit village vers lequel le bateau se dirige. Alors, tout en bas, à la sortie des véhicules, je tente le stop, car je sens que si je ne saisis pas cette chance avec cette dizaine de voitures sortant du ferry, je risque d’attendre très longtemps en stop avant que l’on m’emmène.


Je fais du stop pour finalement passer ma nuit au nord, mais toujours sur l’île de Shikoku. Le soir, je m’arrête à une église catholique, où le prêtre, Coréen, m’accepte pour la nuit. Je note que la journée a été courte.


Matsuyama, Japon

La prochaine fois, je n’irai à la messe que si elle est tôt. Attendre jusqu’à dix-heures, ça réduit tellement ma journée ! Je n’ai pas envie d’attendre, toute la matinée, un jour de semaine ; commencer ma journée de stop vers dix, onze heures… J’en perds près de la moitié de la journée. Et avec mon impatience… Ça ne va pas !


Après toute une journée de stop, je suis fatigué ! Claqué ! Ce soir, c’est McDo et Kaikatsu, mon manga-café préféré.


Fukuyama, Japon


Je reste assez fatigué de ce matin ; peu de sommeil et un type qui ronflent plus fort qu’un vieil aspirateur. Je pense faire une petite sieste sur un des bancs du château.


Plus tard, en stop, un conducteur s’arrête tout de même à son second travail pour récupérer ses t-shirts. Je suis assez saoulé. Déjà qu’il m’emmène dans un patelin pommé… Mais il m’en donne un !


En stop, je me fais inviter par un généreux couple à un restaurant de convoyeur à sushi. Et après avoir dévoré près d’une dizaine de plats, on en arrive au dessert. Je dis au mari que le demi-litre de bière et les nombreux verres de saké, du nihonshu, qu’on a bu ensemble me suffit. Mais il regarde mon visage et répond : « Daijobu so ! » ; qui signifie : « Ça a l’air d’aller ! ».


Ce soir, sur la petite île d’Awajishima, je m’arrête dans une petite église catholique. Au milieu de nulle part, un prêtre français sort de sa petite paroisse et me fait installer dans un bâtiment, certainement utilisé pour des réunions. Il habite au Japon depuis vingt-six ans, maintenant. Auparavant, il était prêtre à Kobe. Mais il est revenu dans ce village, car, me dit-il, seuls des missionnaires arrivent à vivre seul dans l’unique petite église sur une petite île. Mais quelle énergie a-t-il donc !


Sumoto, Japon


Levé tôt le matin, quatre heures trente environ, je pars pour la fameuse ville de Kobe. Je me dirige vers un temple que l’on m’a suggéré, il y a quelque temps. Mais je remarque au second endroit où je suis e, train de faire du stop, que personne ne va jusqu’à ce temple perdu dans les montagnes. J’ai certainement mal noté la recommandation. Au lieu de ça, je me rends dans un jardin, accessible par téléphérique.


Après la petite visite, je redescends et vois qu’il commence vraiment à se faire tard. J’arrive à mon prochain emplacement de stop. Mais il est bien trop médiocre. J’essaye un autre spot, mais, encore une fois, il fait bien trop nuit pour espérer que quelqu’un s’arrête.


Alors, je change une nouvelle fois d’endroit, et va dans l’aire de repos, qui, elle, est illuminée. Un monsieur de la sécurité m’aide. Il me dit qu’au pire, il m’est possible de dormir sur les sièges du restaurant qui devrait arrêter son service vers vingt heures. Je suis rassuré de savoir que j’ai un petit point d’accroche. Puis, un motard me donne un euro cinquante pour le café. Ça me redonne du courage. Il faut dire que je suis exténué et souhaite être emmené une fois.


À quelques aires de repos plus loin, je retente, encore une fois, le stop jusqu’à vingt-deux heures. Car ici, pas comme avant, il n’est pas aussi simple de trouver un petit coin où dormir au calme. Mais il est trop tard… Je regrette un peu d’être parti de l’aire de repos précédente. Je préfère dormir dehors, là où c’est calme, que dans un coin du resto 24h, où je peux être facilement dérangé par la lumière ou le bruit.


Osaka (aire de repos), Japon


Le regard des gens me fait pleurer. Il est si déshumanisant. En me voyant, sourire aux lèvres et pancarte dans les mains, aucun conducteur ne sourit, ne m’observe, ne me juge, ne réagit. Ils ne tournent même pas la tête ! C’est un peu comme si je n’existais pas. Comme si j’étais un simple arbre sans vie qui n’a rien à faire là. Ils ont tous le même profil et portent un surnom : les nekutai-san, les messieurs cravates. On y reconnaît une forme de soumission au travail et à la société. Ce sont les samouraïs des temps modernes.


Un peu plus tard, je décide de prendre davantage sur moi, de sourire davantage, mais tout en étant un peu plus arrogant. Fier de ma liberté choisie au travers du stop, je salue les conducteurs ternes et bornes avec un fier sourire, heureux de pouvoir aller où je le souhaite.


Vers vingt-et-une heures trente du soir, je me dirige vers le seul temple proche des environs. Mais il me semble impossible d’y demander l’hospitalité. Je ne vois aucun endroit où dormir devant le temple. D’ailleurs, toutes les lumières sont éteintes. Je n’ai pas très envie de prendre le risque de réveiller qui que ce soit, surtout à cette heure-ci. Il va bientôt être vingt-deux heures. C’est l’heure d’aller se coucher.


La tente est donc ma dernière alternative. Je n’en ai pas très envie, mais je n’ai pas le choix. Il y a également une aire de repos, mais elle n’a pas l’air d’être accessible d’où je suis.


J’aperçois un monsieur promenant ses trois chiens. Je lui demande où il serait possible de dormir sous ma tente. Et comme je m’y attendais, il me dit que c’est impossible, où que ce soit. En général, on préfère ne pas se mouiller si l’on n’est pas sûr de quelque chose, n’est-ce pas ?


Finalement, je me retrouve à planter ma tente dans un parc, sans trop être sûr si c’est bien autorisé. Mais de toute façon, c’est assez souvent le cas depuis le début de mon voyage.


Chiba, Japon


C’est rigolo. Je passe la même sorte de nuit au début qu’à la fin de mon stop au Japon – et oui, je ne compte pas perpétuer mon voyage à la pancarte au Japon. Quant à la suite, deux mois de marche m’attendent. Après ça… Je ne sais pas trop. Va falloir réfléchir ! Ça sera la surprise.


Matsudo, Japon


Dernier temps de repos ! Je me repose en visionnant un bon nombre de vidéos.


3 x Tokyo (Minami-Senju), Japon


Je commence à écrire un peu, mais, lorsque je suis avec ma copine, difficile de s’y mettre sérieusement.


Le 21, je passe la journée avec ma copine et ses parents. On visite d’abord un sous-terrain qui a pour but de transférer d’énormes quantités d’eau d’une rivière à l’autre. C’est impressionnant ! L’an dernier, ce système a été utilisé sept fois. Cette année-ci, huit.


Finalement, je décide d’aller, ce soir, chez mon ancien patron, et ami, puisque demain nous sommes lundi. Et lundi, je compte l’aider pour quelques classes. Je tiens à l’aider une dernière fois. Mais avant de s’y rendre, avec ma copine, on fait un tour dans un magasin de sport qui, apparemment, fait également office de dépôt. Certains produits sont donc bradés et je compte bien en profiter. Je m’achète alors le nécessaire pour mon prochain voyage, les deux mois de marche.


On arrive chez la famille de mon ancien patron, et ami. Après quelques heures, ma copine rentre vu qu’elle travaille demain. Je remarque que je n’ai pas ramené assez d’affaires – pas même un slip de rechange. Par ce court séjour, c’est bien la dernière fois que je suis à Koga. Ça me fait un peu penser à mon arrivée, l’an dernier. Je suis logé par cette même famille en dormant, une fois de plus, dans la chambre de mon tout premier – et dernier – hôte Couchsurfing. La dernière fois que j’y ai dormi, c’était en mi-février 2019.


Koga, Japon


Je traîne. Je suis embêté, car, étant donné que j’ai changé d’avis en cours de route, je n’ai pas ramené mon ordinateur – et ni même aucun sous-vêtement de rechange. J’aurai pu avancer sur mon blog… Tant pis.


Vers seize heures, je m’occupe de quelques classes de maternelles. Eux, comme moi, sont très heureux de nous revoir.


Koga, Japon


Finalement, j’aide également aujourd’hui. Le matin, j’enseigne un adulte. Puis, l’après-midi, j’aiderai mon ancien patron, et ami, dans une grande maternelle où les enfants, et même les professeurs de temps à autre, demande où je suis passé.


À midi, avec sa femme, le troisième fils (qui est aussi mon ancien hôte Couchsurfing) et le neveu, on mange de délicieux ramen, tout comme on l’a fait lors de mon premier séjour de l’an dernier. Le neveu, qui a près de mon âge, m’offre un petit souvenir. Une photo d’avant-hier soir et un calendrier japonais ! Génial !


L’après-midi commence. Les plus jeunes sont trop mignons ! Quant aux plus âgés, des élémentaires, c’est comme d’habitude. Une fois les classes terminées, mon ancien patron, et ami, me dépose à la gare de Kuki. On en profite pour notre rituel, un casse-croute répétitif après la plus dure journée de la semaine. On prie, on mange et c’est ainsi que l’on se quitte. C’est ainsi que je quitte mon unique point d’accroche qu’à été ce long séjour japonais.


Tokyo (Minami-Senju), Japon


Une journée entière avec ma copine. Ça devait être la dernière journée complète avant le début de la marche. Dans un premier temps, on se rend au fameux temple d’Asakusa, puis à la tour Skytree et enfin au musée d’Edo. La journée passe si vite, que j’en oublie le carnet. La dernière visite, notamment, est bien trop courte. On doit y revenir un jour. C’est sûr !


Tokyo (Minami-Senju), Japon


C’est le jour du test corona. Un grand jour !


Tout comme hier soir, je pars à la recherche d’un bon taux de change pour échanger quelques euros. Je n’ai plus envie d’utiliser ma carte. Les commissions sont exorbitantes – neuf euros la dernière fois sur un retrait ! Le test salivaire est rapidement fait. Tu attends, tu craches et puis tu recraches du fric pour payer le test. Je recevrai le résultat dans deux, trois jours.


Ce soir, on se cuisine un curry avant de voir un film animé français, et culte, que je viens tout juste de découvrir « Le roi et l’oiseau ». Sympa ! C’est vraiment un film français ! Je ressens bien cette culture de comtes et de fables, avec des chimères et des romances difficiles, et en y ajoutant un petit aspect politique.


Tokyo (Minami-Senju), Japon


Je n’ai pas tant avancé que ça sur mon blog. Mais au moins, les photos et vidéos sont prêtes.


Avec ma copine, on se couche-tôt après avoir dîné. On s’est préparé un nabé végétarien (disons un pot-au-feu de légumes). On profite des derniers moments pour quelques câlins et tendresses.


Tokyo (Minami-Senju), Japon


J’ai mieux avancé aujourd’hui. Aussi, mon sac est grossièrement prêt. J’ai également pu passer quelques appels. Un de mes meilleurs amis me conseille notamment de chercher un travail en fonction de ce que j’ai aimé faire durant mon enfance. Bonne piste de réflexion durant ma marche.


Tokyo (Minami-Senju), Japon


C’est le grand jour ! Je pars pour deux mois de marche ! Quant à l’itinéraire, je tiens absolument à le révéler dans le prochain post, c’est-à-dire, dans deux mois, une fois l’ascension terminée. Désormais, je peux faire face à moi-même. Permettez-moi cette structurante solitude.


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