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  • Photo du rédacteurJulien de Weijer

Au sud de la mer japonaise

Dernière mise à jour : 27 oct. 2020

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Takayama, Japon

Je reprends la route. J’arrive alors à Gero, une ville thermale, réputée pour ses sources chaudes.


Je vois sur la carte qu’il y a également un onsen de pied le long de la rivière. Mais en y déballant mes affaires, je remarque que j’ai oublié de rendre la clé de ma chambre d’auberge. Je vais devoir y retourner… Tant pis. Mais pour l’instant, je profite un peu du petit bain de pied, sans pluie et sans excès de chaleur. Un temps de répit avant le prochain typhon qui s’annonce.


Après une demi-heure de repos, je reprends la route et retourne à Takayama. J’arrive à l’auberge, rends la clé et repars aussitôt à mon prochain spot de stop, en direction de Gifu. Je lève donc ma pancarte et espère passer les dernières alpes japonaises aujourd’hui.


Le temps passe, la pluie s’empresse. Et il pleut beaucoup. Je mets mon imperméable et continue à sourire. Mais ça n’empêche pas que deux personnes me proposent un parapluie, et que je ne peux que refuser, car c’est trop encombrant en stop. Entre temps, de l’autre côté de la rue, des collégiens, puis des élémentaires, passent en regardant.


Tous sont surpris de me voir faire du stop dans leur petite ville des montagnes. Certains sont extrêmement timides et osent à peine me saluer de la tête. D’autres, m’observent plusieurs minutes ; notamment un gamin, qui après m’avoir salué, revient soudainement sur ses pas et entre dans le tunnel piéton qui permet de traverser la route. Peut-être qu’il s’est gouré de chemin, va savoir. Entre temps, je continue à sourire aux gens et continue d’espérer qu’une personne s’arrêtera. Mais ça va bientôt faire une heure. Pourquoi personne ne s’est encore arrêté ? Et subitement, j’aperçois le gamin sortir du tunnel qui accourt vers moi. Je vois… Il me proposera certainement son parapluie, que je refuserais poliment par la suite tel que je l’ai fait avec les deux autres gentilles dames. Et en effet, il me le tend promptement. C’est LE petit parapluie jaune de cinquante-cinq centimètres (c’est marqué dessus) que chaque élémentaire du pays possède. Je repousse donc gentiment son geste en lui expliquant que mon imperméable m’est amplement suffisant. Toutefois, il insiste vachement. Je lui ré-explique avec une plus forte voix que son parapluie ne me sera d’aucune utilité. D’autant plus que de le tenir tout en tenant ma pancarte dans l’autre main n’est pas pratique du tout. À vrai dire, ce n’est qu’une excuse m’évitant un encombrement supplémentaire. Mais qu’importe. Il a décidé de me le donner, et n’a pas du tout l’air ouvert à la discussion. Mais comment vais-je raisonner ?...


Voyant l’empressement du gamin, et le parapluie d’enfant déjà accolé à mon torse, je n’ai que d’autre choix que de le prendre en main. Simple réflexe donc. Aussitôt saisi, le gamin repart en courant vers le tunnel. Surpris, j’élève la voix en lui répétant les mêmes choses dit auparavant. Mais ce n’est pas maintenant qu’il changera d’avis. Et pendant ce temps, la file de voiture continue de passer devant mon nez. Je lui crierai bien dessus. Mais je ne souhaite pas non plus que les conducteurs commencent à me confondre avec un étrange agresseur. Lorsqu’il arrive enfin de l’autre côté du tunnel, je me mets à lui crier les mêmes choses. Mais hausser la voix ne le ramènera apparemment pas. Et après quelques instants de vide, je le vois, arrêté, en train de me fixer comme s’il attend quelque chose. Me voilà, comme un con, avec un parapluie d’enfant dans les bras. Je ne vais tout de même pas l’utiliser, si ? Les gens vont commencer à croire que je l’ai pris à un gamin de force. D’un autre côté, et puisque j’utilise un parapluie qui ne m’est pas approprié, je peux jouer la carte du « hen na gaijin », en gros, l’étranger bizarre qui ne connaît pas les coutumes du pays. Se démarquer de la sorte augmenterait peut-être mes chances en stop. Et qu’importent le regard et les jugements des gens. Je vais faire plaisir à l’autre gamin d’en face, qui n’attend plus que j’utilise son cadeau forcé. J’ouvre le petit parapluie jaune d’enfant et me couvre avec. Le voilà qu’il sourit. Puis il repart d’où il est venu. Je n’oublierai jamais son sourire de gagnant ; il a réussi à ne pas se faire refuser son parapluie. En tout cas, il a refait ma journée. Me voilà donc à faire du stop avec ce parapluie de gosse.


Quelques dizaines de minutes plus tard, un groupe d’élémentaire m’aperçoit et emprunte également le tunnel piéton pour me rejoindre. C’est un groupe d’élémentaires intéressés par l’étrangeté que je sollicite à l’heure yeux, notamment avec mon étrange pancarte. Je leur explique en quoi le stop consiste et, qu’ainsi, je compte aller jusqu’à Kagoshima. Mais vu leur jeune âge, il est normal qu’ils soient étonnés par l’auto-stop sans vraiment en comprendre l’enjeu comme l’investissement personnel en temps et en argent ainsi que les différents défis à braver comme l’endroit où s’arrêter pour la nuit ou tel que la distance à parcourir. Le plus animé du groupe me demande alors comment ils pourraient me venir en aide. Je réfléchis. Ça serait marrant, mais je ne vois pas comment. « Ne t’en fais pas, ça ira ! » lui dis-je. Alors, il propose à ses copains qu’ils lèvent tous ensemble leur pouce. Et tous les sept s’y mettent à cœur joie. C’est fun ! Et à vrai dire, ça pourrait même marcher ! Mais il ne faudra pas longtemps pour qu’ils commencent à s’impatienter. Face à la sollicitation de ces enfants plein de bonne foi, la réaction des conducteurs reste inchangée. Ils détournent leur regard face à un groupe bien trop surexcité. Les enfants ne réalisent pas qu’un conducteur japonais lambda sera évidemment terrorisé. Mais qu’importe, ils s’amusent. Moi aussi, d’ailleurs ! Par contre, je serai étonné de voir quelqu’un s’arrêter pour un étranger à pancarte caché par l’excitation de la bande d’élémentaires en train de gesticuler leur pouce dans tous les sens. Et à force d’être ignoré, certains commencent à perdre patience. L’excité d’avant, auteur de cette proposition farfelue, jette sa casquette par terre comme signe d’indignation – et c’est extrêmement rigolo. Il regarde alors, le plus intensément possible, chaque conducteur qui passe et commence à s’approcher de plus en plus de la route. Quand bien-même, il se tient toujours sur le trottoir, ça peut tourner au vinaigre ! Dans le feu de l’action, et au vu de l’excitation du groupe, un accident est vite arrivé. Ils sont, certes, pleins de bonnes volontés, mais sont si insouciant. Je leur dis de partir. Mais l’inertie du groupe m’y empêche. Personne ne m’écoute pas ! Je hausse le ton, mais rien y fait. Mais je ne peux pas non plus commencer à leur crier dessus. Je ne veux pas non plus que des passants confondent mon avertissement avec un semblant d’agression. Mais forte heureusement, la moitié se retire. Il ne reste plus que l’excité du groupe. Et il devient d’autant plus virulent. Ouf, le reste du groupe a réussi à le raisonner. Je les remercie avec un grand sourire, rassuré de les voir partir en sécurité. De leur côté, ils me souhaitent bon courage.


Au bout d’un certain temps, je vois bien que, avec ou sans gamin agité, personne ne compte s’arrêter pour m’emmener en stop. De plus, il est seize heures trente, et je suis toujours à Takayama. Attendre deux heures au même spot est beaucoup trop. J’ai certainement choisi une mauvaise route. Et en effet, comme c’est indiqué sur ma carte, elle semble se perdre dans les montagnes. J’essaye encore un peu, mais ça ne tient que dix minutes. Je quitte donc cette sans-issue et pars pour un autre chemin. L’autre spot est à une heure de marche… Finalement, je décide de m’arrêter ici, et de me chercher un endroit où dormir. Désolé les gosses, j’abandonne pour aujourd’hui. Je vérifie donc l’auberge où j’ai passé la nuit précédente, mais l’hôte a déjà fermé les réservations. Dans ce cas-là, continuons encore un peu. Une heure de marche m’attend. Tout en marchant, je continue bien sûr à lever ma pancarte. Mais je réalise qu’une fois arrivé au spot prévu, il fera déjà nuit. Difficile d’y faire du stop. Que faire ? Continuons de marcher. Et si, une fois arrivé dans les environs, je n’ai toujours pas trouvé de voiture qui puisse m’emmener, alors j’y demanderai l’hospitalité dans les temples et églises. Et au pire, ça sera un parc.


Mais en chemin, je me rappelle de la sincère invitation du Pakistanais d’hier soir. J’ai partagé un délicieux plat local avec lui. Et la prochaine fois, j’éviterai d’ajouter autant d’épices. Je lui envoie donc un message. Peu de temps après, il me répond que c’est ok. Super ! Je vais pouvoir profiter de cette magnifique culture pakistanaise. Ça ressemble, d’ailleurs, assez à l’Iran. Quel bon souvenir (voir L’enclave perse) ! Il habite à Nagoya, une très grande ville. Le stop de demain sera donc un challenge.


Je suis maintenant posé depuis deux, trois heures dans un café à écrire cette incroyable et longue journée qui vient de passer. Il est 20h45 et j’attends toujours que le Pakistanais me récupère. Le problème est que le centre commercial va bientôt fermer ses portes.


Nagoya, Japon

J’ai passé une très bonne journée chez mon ami pakistanais. Courte, mais bonne. Il est revendeur de voitures d’occasion. Il achète des japonaises – sans mauvais jeux de mots – et les revend au Kenya, à Dubaï, au Pakistan et bientôt au Chili. Aujourd’hui, je l’aide à récupérer une voiture qu’il compte revendre par la suite. Je conduirai sa propre voiture, tandis que lui roulera l’acheté. Mais je réalise que je n’ai pas la traduction de mon permis sur moi, sans quoi, il ne m’est pas permis de rouler.


Je passe toute la journée à côté de lui. Et puisque nous sommes vendredi, on va d’abord à la mosquée, une grande maison rénovée au milieu des champs. Pendant que lui prie, je reste dans le café d’à côté tenu par deux Népalais. Ensuite, il roule toute la journée, de vendeur en vendeur, à la recherche d’un éventuel véhicule. Et sans plaque de préférence. Gérer sa propre entreprise semble bien épuisant ! Quant à moi, je me soucie de mon visa et la suite de mon voyage – merci corona… – toute au long de la journée. Je n’ai pas encore annoncé la fin de mon travail, quand bien-même, c’est obligatoire. J’en parle avec mon ami pakistanais. Et grâce à ses connaissances, je parle avec un avocat et à l’ami d’un ami à lui qui s’y connaît sacrément bien en immigration. Je vais y réfléchir en chemin…


Il est maintenant dix-neuves heures et c’est là que nos chemins se séparent. Je reste préoccupé de mon visa, mais je vais devoir faire avec. En attendant l’heure de se coucher, 23h, je vais au centre commercial poireauter et appeler ma copine.


Puis en sortant, je discute avec un vieux monsieur, maintenant retraité. Il n’a pas beaucoup. Toutes ses affaires sont dans un casier de casino. Et chaque soir, il dort au manga café, où je compte également m’arrêter pour la nuit. Sauf que lui, il ne prend pas le petit espace où il est possible de se coucher pour dormir. Non. Il choisit un simple siège, puisque c’est moins cher, pour passer la nuit. Mais comment fait-il ? Dans la troisième puissance économique du monde, tu as encore des vieux qui vivent dans la misère. C’est vraiment triste…


Tsu, Japon

Je fais du stop et atteint le lac Biwa, le plus grand du Japon. Je partage un bol de ramen avec un conducteur. Il me propose même de dormir chez lui. Mais je sens comme un parfum de l’autre vieux vicieux turc (voir Au sud de la mer noire). Et lui aussi a une femme et des enfants qui ne vivent pas dans son appartement. Et aussi, après avoir passé toute une journée assis dans une voiture à tourner en rond avec mon ami pakistanais, et qu’en plus il n’est que 14h30, je préfère avancer. Seul.




J’arrive à un village avec un nombre incroyable de temples. On m’a expliqué que c’est un très vieux village. Il y a longtemps, lorsque le pays a (presque) entièrement fermé ses frontières, les marchandises à destination de Kyoto (la capitale à ce jour) arrivaient en majorité par le port de ce petit village. Et année après année, génération après génération, le nombre de temples n’ont cessé de croître.


J’essaye un premier temple, puis un autre. Mais les deux me refusent. Tant mieux même ! Heureusement que ce n’est plus aussi facile. Puis un troisième, un quatrième, un cinquième, … Les refus s’enchaînent, dit-donc ! Le défi, c’est bien. Mais n’empêche que je préfère dormir dans un temple sous un toit que dans un parc sous ma tente.


Il est maintenant 17h40, et ça devient un peu limite. En effet, la nuit est déjà tombée. Et comme pour le stop, les gens commencent à se méfier et à avoir peur. La preuve, j’ai arrêté de compter le nombre de refus. Mais le septième temple, auquel je demande l’hospitalité, m’accepte. S’arrêter à seize, dix-sept heures serait, par la suite, un bon indicateur pour commencer la recherche d’un abri pour la nuit. Et je précise que je ne cherche qu’un toit. Je ne demande pas de nourriture ou quoi que ce soit, même si, je l’avoue, je ne refuserais pas un petit supplément.


Le moine de ce soir est super gentil ! Il m’emmène au restaurant. Je sais bien qu’il compte payer. Et je ne vais pas lui faire payer une fortune. C’est déjà assez cher et assez gentil qu’il me mène ici. Je regarde la carte et pense prendre des sobas. Mais il m’explique que ce sont des yakisobas, soit des nouilles grillées et non pas froides et cuites comme je les aime. Mais vu que ce n’est pas assez cher à ses yeux, je pars plutôt sur la super salade du menu. Mais étonné de mon choix, il me commande les deux avec un grand plat de sashimis en plus. Lui a déjà mangé. Tout est donc pour moi. Je ne pourrais jamais manger tout ça ! Et même si je recevais carte blanche de la part du restaurateur, jamais je n’aurai commandé autant. Certes, j’ai un gros estomac. Mais ça reste tout de même trop pour un humain naturellement constitué !


Ensuite, on part chez un pote à lui pour boire un petit coup de vin blanc et discuter. Une fois rentré, et après une bonne douche et le thé qui m’est offert, je pars tranquillement me coucher.


Obama, Japon

Ce matin, j’ai pu me lever un peu plus tard que dans d’autres temples. Une fois levé, j’assiste à sa prière. Il a même attendu de prier pour que je puisse y assister. Il est vraiment adorable ! Cette prière semble être un tant soit peu différente de la première que j’ai assisté à Saku (voir Alpes japonaises). Bien réveillé, on va au café Komeda. Il me paye le petit-déjeuner. Et pendant ce temps-là, sa femme m’a préparé un déjeuner, quelques onigiris à emporter.


Le fait de voyager aux dépens des autres me frustre de plus en plus. Je ne me sens pas légitime à recevoir autant. Je me sens égoïste. Et ce n’est peut-être pas la première que je le dis. Mais j’exprimerai mes sentiments autant de fois que je le souhaite.


Tottori, Japon

Petit temps de repos dans une auberge pas trop cher. En effet, l’auberge n’est pas si chère. J’en profite alors pour m’y poser deux nuits et une bonne journée. Aussi, le poids de l’incertitude de mon visa me pousse à m’arrêter afin d’y réfléchir et d’en discuter avec ma copine. Quitte à ce que mon visa saute, je décide de raconter la vérité immédiatement à l’immigration en disant que j’ai bel et bien arrêté de travailler le 3 juillet.


Tottori, Japon

Le matin, je discute avec une vieille dame qui parle beaucoup. Bien plus que ma mère ! Mais cette dame-ci doit avoir soixante ou soixante-dix. Voir une inconnue de son âge devenir émotionnelle m’étonne. Et plus on discute, plus elle devient émotive. Au point où elle commence même à pleurer. Du peu que j’ai compris, elle m’est très reconnaissante – mais si je n’en connais pas la raison. On se fait alors un long câlin, puis elle repart.


Sortie de l’auberge, une passante avec un gros appareil photo, me demande s’il lui est possible de me photographier devant un panneau publicitaire. Mais que se passe-t-il aujourd’hui ? Qui sont tous ces inconnus ? Et que me veulent-ils ? Bref, je lui laisse prendre ses photos et continue ma route. En effet, je rencontre des gens bien différents, comme je le dirai plus tard à un conducteur.


À la recherche d’un lieu dormir, une femme et sa fille me dirige vers l’église que je cherche. Mais tout comme le temple précédant, c’est non. Bon, passons au prochain. Mais malheureusement, j’ai perdu l’emplacement de la prochaine église sur la carte de mon mobile. À la recherche d’un peu de wifi pour rechercher les églises, la précédente femme me propose d’utiliser celui de sa maison. Au final, c’est chez elle que je passerai ma nuit. D’abord, je passe la soirée avec le fils et un pote à lui devant des jeux-vidéos. Puis tous ensemble, avec également son père, à qui je raconte quelques péripéties de mon périple.


Hokuei, Japon

Journée normale de stop.


Le soir, je demande à une église s’il m’est possible d’y passer la nuit. Mais cette fois-ci, j’insiste davantage sur le fait que je n’ai besoin de rien d’autre. Un toit me suffit. Et c’est ce que la femme, qui m’ouvre la porte, m’offre. Une petite pièce dans l’église.


Izumo, Japon

Je visite un grand sanctuaire, réputé pour être le lieu de rencontre de tous les dieux shintoïstes au mois de novembre (et plus le premier octobre, comme avant). Les deux dames qui m’y ont emmené et avec qui je visite ce magnifique lieu, malgré la pluie, m’invitent maintenant à manger des sobas dans un fameux restaurant. C’est un régal !


Sur le chemin, l’Américaine que j’ai aperçue dans le restaurant m’emmène en stop. Ensemble, on visite une grotte d’argent, puis on va dans un onsen avant qu’elle me dépose, le soir, à Mihara.


Mihara, Japon

Finalement, j’ai dormi dans un manga-café. Il faisait déjà bien trop sombre pour partir à d’un temple ou d’une église. Et de toute façon, dîner ensemble – même un McDo – valait amplement le coup. D’ailleurs, il a plu cette nuit-là. Dormir en tente cette nuit n’aurait pas été l’idéal. Après… il est bien de préciser que la flemme m’a davantage poussé à dormir dans un manga-café plutôt que le mauvais temps. Par ailleurs, je constate que je préfère de plus en plus me payer un peu plus de confort, que ce soit un lit, un canapé comme hier soir, ou même un sol moelleux ; un peu de temps personnel afin de lire, étudier et surtout traîner ; un peu – ou plutôt, surtout – de l’intimité.


Après un peu de stop et de tourisme, j’arrive à la grande ville d’Hiroshima où j’ai réservé une auberge au vu des prix attractifs.


Hiroshima, Japon

Ce soir, je dormirai chez une ancienne collègue à mon ami british, ancien patron et collègue à Koga.


Sur le chemin, un couple m’emmène en stop. Le mari est notamment ingénieur en semi-conducteur. Il pense que ma situation de trois ans de voyage ne représente pas un grand problème en soi. Certes, les compétences sont nécessaires. Mais selon lui, le potentiel reste le plus important. Et ça se comprend. Au Japon, et pour des postes d’un certain niveau, les boîtes recrutent davantage pour une très longue durée comme cinq, dix, voir vingt ans. De plus, ma fatigue de voyager est également un motif, car elle se traduit en en envie d’entreprendre une vie normale et un boulot avec entrain. Et ceci est effectivement le cas.


C’est au tour de deux ouvriers dans l’électricité qui m’emmènent en stop. Mais l’ambiance semble différente. Ils se sont arrêtés pour m’aider. C’est certain. Mais eux se sont arrêtés uniquement pour m’aider. Je m’explique. Une fois monté dans la voiture, aucune question ne m’est posé, étrange. Du coup, je me présente et je raconte un peu de mon voyage. Mais ils ne rebondissent pas sur mon propos. Ils continuent leur discussion d’avant sans ne me poser aucune question. Ils n’ont pas l’air intéressé à savoir ce qu’est-ce que je fais, pourquoi, depuis quand, comment, avec quel financement, etc. C’est peut-être leur routine qui fait ça. Nous sommes tous influencés par notre situation sociale et par ce que nous faisons présentement. Du moins, c’est ce que je pense là.


Une fois rentré en France, j’ai quelques pistes de réflexion :

  • quotidiennement, lire, lire et encore lire ;

  • écrire et peut-être finaliser mon voyage dans un unique récit ;

  • reprendre quelques leçons de mon école d’ingénieur afin de me confronter au monde que j’ai quitté (voir Départ) ;

  • quotidiennement, étudier le japonais et passer un test.


Yamaguchi, Japon

Ça me dégoûte !


Aujourd’hui, c’est dimanche et je me fais une joie d’aller à la messe. Ça fait si longtemps, en plus. J’arrive devant l’église et demande à un paroissien où se trouve l’entrée, car elle n’est pas évidente à trouver. Mais il me répond que, à cause du corona, l’entrée est limitée à quarante personnes. Il faut donc réserver une semaine à l’avance. Ce n’est donc réservé qu’aux membres, j’imagine… Vous comprenez qu’en tant que voyageur auto-stoppeur, difficile d’aller où que ce soit. Je vois bien la raison, il est nécessaire de réduire le nombre de personnes rassemblées pour éviter au maximum la contagion. Certes. Mais en même temps, je me fais refuser d’aller à la messe. Et je ne peux me résoudre qu’avec un simple « Ok, pas de soucis ! ». Aussi, il faut savoir que depuis le début de mon voyage, l’église, quelle qu’elle soit, est mon unique point d’accroche, le dernier rempart en quoi j’accorde toute ma confiance. L’église est comme une maison familiale où je peux rentrer quelle que soit la situation. Du coup, je suis énormément attristé face à ce rejet. Et voir certains « membres » y aller sans que moi, voyageur spontané, puisse également y aller, me blesse beaucoup. Je vis colère et déception. Dans ce strict pays, il n’y a pas de place prévue pour l’exception et pour un peu de flexibilité qui n’entrent pas dans le moule standard. Et qui en plus est combiné à cette situation pandémique, aucune chance qu’ils me font une concession… Encore une fois, je dirai bien, « tant pis, c’est comme ça ». Mais au lieu d’être fataliste, j’énoncerai plutôt mes sentiments, mon dégoût.


Un couple m’emmène jusqu’à un célèbre sanctuaire. Ça doit faire une ou deux heures qu’on est maintenant bloqué dans ce long bouchon. Et en effet, en plus que ce lieu soit assez connu, aujourd’hui est également un jour férié. Ce soir, je ne sais pas trop où je vais atterrir… Je me prépare déjà à l’idée de dormir sous ma tente.


Trois heures plus tard, on arrive au sanctuaire. J’aime beaucoup la diversité comme par exemple de culture, strict comme celle du Japon ou flexible comme celle en France ; de nourriture, comme en Amérique latine avec leur riz-poulet à chaque repas ou comme en Suisse avec leur riz au fromage – ou, devrais-je dire, leur fromage au riz – ; de religion, comme le shintoïsme au Japon ou comme l’orthodoxie au Mont Athos ; de route ; de manière (de conduite de salutation, à table, etc.) ; etc.


Après avoir demandé à toutes les églises et temples du coin, j’arrive à un dernier temple. Le vieux monsieur, qui n’entend pas très bien d’ailleurs, me donne exactement ce que j’ai demandé ; dormir littéralement devant le temple. En effet, ce soir, je dors dehors, mais sous le toit du temple.


Nagato, Japon

Après toute une matinée de stop, je visite une grotte. C’est l’éclate ! Puis je commence à nouveau mon stop en direction de Fukuoka. Et c’est là que je réalise que je monte parfois avec des gens… assez spéciaux, il faut dire.


Ce matin, depuis Nagato, une première femme m’emmène quelques kilomètres en stop. Puis un second. Le type se présente. Il s’appelle Papa Léo. Vraiment ?... À l’arrêt, il me demande s’il peut me présenter à sa femme. Bien sûr ! Il fait alors demi-tour. Étrange, tout de même. Je lui demande où il va ? Et il me répond que c’est parce qu’il m’a vu avec ma pancarte ce matin, vers huit heures (deux heures avant). C’est tout. Ça le rend d’autant plus étrange. Il est donc simplement parti dans la direction qu’indiquait ma pancarte afin de me retrouver et m’emmener en stop. Ni plus, ni moins. Et dit comme ça, ça ressemble un peu à un début de kidnapping. En plus, il veut me présenter à sa femme. Ça devient louche. Mais une fois chez lui, tout a à l’air normal. D’ailleurs, sa femme non plus ne comprend pas pourquoi il m’a emmené jusqu’ici. Je vois qu’il voulait simplement m’aider. Étrange, mais gentil. Et après avoir bu un petit café glacé, on repart ensemble jusqu’au fameux pont où je souhaite aller.


Revenons au présent. Après avoir visité cette superbe grotte, je commence à marcher, pancarte à la main. Une fille et son père (ou ami, je n’en suis pas sûr) s’arrêtent. Ils m’emmèneront jusqu’à Fukuoka, mais on passe d’abord par un café. Un café en particulier. Mais ils ne savent pas où il est. Et au milieu de la brousse, le père crie vers un promeneur en lui demandant s’il ne connaîtrait pas à tout hasard le café qu’ils cherchent. Bien sûr que non, lui précise sa fille. En tout cas, on se marre bien ! On se rend alors à Kita-Kyushu pour y boire un Tapioka, un thé au lait, puis pour y voir le château par la même occasion.


Je suis arrivé à l’auberge. Ce n’est pas trop cher et l’ambiance est bonne. Mais c’est vraiment pauvre en équipement ; une petite table avec quatre tabourets premiers prix, une cuisine ridicule au vu du nombre de personnes ; une foutue taxe municipale surprise que l’on peut effectivement lire au bas du mail, une fois la nuit payée ; un petit rideau cachant peu d’intimités.


Quant au reste, c’est acceptable. Le petit plus est que le lave-linge est gratuit !


Fukuoka, Japon

J’ai décidé d’annuler les derniers jours dans cette auberge. C’est bien trop pauvre en wifi, en cuisine, en espace, en tout.


J’ai essayé d’écrire aujourd’hui. Mais entre mes vidéos YouTube qui me distraient et la série coréenne que la réceptionniste se tape pendant plusieurs heures dans le petit espace lounge sans mettre d’écouteur, je n’avance que très peu sur ce post-ci. Il est déjà l’heure de dîner, et je n’ai écrit qu’une seule page.


Fukuoka, Japon

J’ai perdu pas mal de temps aujourd’hui… tout comme hier d’ailleurs. Même si ce n’est pas du contenu idiot, je passe bien trop de temps sur YouTube.


2 x Fukuoka, Japon

Je relis le moment à Obama, lorsque j’étais heureux de découvrir que trouver un lieu où dormir reste un challenge. J’en étais très heureux ! Avec le recul, je suis content que ça me soit arrivé. Je ne voyage plus avec ennui. Je ne dis pas non plus que je suis plein excitation à chaque fois que je lève le pouce. Je suis tout de même sur le chemin du retour. J’apprécie mon voyage comme il est.


5 x Fukuoka, Japon


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