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  • Photo du rédacteurJulien de Weijer

L'amazonie

Dernière mise à jour : 24 août 2020

Cet article est un peu différent des autres. C’est un résumé uniquement basé sur mes carnets de voyage. J’ai donc beaucoup transcris afin de rattraper le retard pris. Et même si j’ai mis quelques ajouts qui complètent le récit, les contextes sont souvent bâclés. Jugez avec parcimonie et pardonnez mon écriture immature. La majorité des réflexions sont d’origine : second semestre 2018.

Si vous souhaitez faire modifier le contenu, pour des raisons personnelles, contactez-moi. Un onglet dédié vous le permet. Vous pouvez également me demander de visionner les vidéos.









Partons de Yurimaguas

Enfin ! J’ai pu atteindre le fleuve de l’Amazonie. Je fonce alors au port, peu loin du centre, pour savoir s’il m’est possible d’embarquer vers Iquitos sur leur bateau de marchandises. Mais comment puis-je m’y nourrir ou dormir… Si j’aide, qu’aurai-je en échange ? Plein de questions qui soudainement, face à la réalité, me freine de peur. Je tente quelques approches, mais qui ne sont pas concluantes. Aucun barco ne semble embarquer aucun travailleur. Et encore moins un blanc, un gringo, alors que l’unique agence de transport fluvial est juste à côté et fait payer les touristes comme les locaux à des tarifs relativement standards.

Je me retourne finalement vers l’agence. Elle me propose la course lente et rapide. Lente, bien sûr ! Ainsi, je peux faire baisser mes coûts journaliers et profiter de l’Amazonie. C’est donc en pleine nuit et en moto-taxi que je me dirige vers un « tout nouveau port » construit il y a moins de six mois d’après le gars de l’agence. En effet, il n’apparaît sur aucune carte et se trouve au milieu de la jungle. Une fois déposé, je me dirige vers le bateau que l’on m’a indiqué. Je suis maintenant sur le bon bateau. Je m’installe à côté d’un couple polonais, installé à côté d’« une belle brochette de quatre allemandes » – si vous me le permettez. Et bien entendu, plusieurs autres péruviens sont installés par-ci par-là. Mais à peine installé, mon hamac se casse déjà. Quel arnaqueur ce fichu vendeur. Enfin bon, je le rafistole et on verra bien si ça tient le coup. Au premier étage et dans la coque, se trouvent les marchandises. Le second est réservé au personnel et le troisième est prévu pour les passagers, nous.

YURIMAGUAS, PÉROU

Le matin se lève. Une promesse de départ rompue en plus ! Ce n’est rien comparé à l’attente de trois jours du groupe de copines. « Seventy five hours … » soupire l’une d’elle avec colère et impatience. Du coup, on attend. Le départ est à onze heures puis midi. Et à treize heures, le capitaine est introuvable. Il est parti au village. Entre temps, un couple de lyonnais arrive pendant que l’on joue à un jeu de carte allemand. Je rencontre également Jucenito, un pauvre homme péruvien qui n’a ni ticket, ni argent. Je lui donne un peu de ma part. Au moment du partage, je ressens une grande joie. On mange ensemble avec les autres européens. Lorsqu’il finit son repas, il commence à chanter et prier. Je le rejoins ainsi pour une petite demi-heure. Plus tard, encore cette soupe au lait en poudre trop sucré ! Oui, car le trajet comprend également des repas. Et puisque le bateau ne part pas la cuisine nous nourrit en attendant excepté Jucenito qui n’a pas ce luxe. Je prends l’habitude de toujours lui donner une part de mon repas. S’il s’agit de la bouillie, cela ne me dérange point. Mais j’ai d’autant plus de mal lorsqu’il s’agit d’un bon repas. Je me vois offrir des journées sans rien avoir à payer du tout. De temps à autre, le déjeuner est bon. Et ça n’empêche pas non plus au nouveau couple français de compléter le plat du pauvre homme péruvien.

YURIMAGUAS, PÉROU

Six personnes partent dans la matinée. On n’est plus qu’entre français. Et deux minutes avant le départ, quatre jolies Espagnoles embarquent. Super ça ! Mais surprise, vingt minutes plus tard le bateau s’ensable. Nous voilà encore à arrêt… Le soir, on partage quelques bières à l’occasion de l’anniversaire d’une des filles. On passe alors cette nuit sur l’eau. Certes, on a quitté le port, mais il est toujours en vue. Le bateau a redémarré ! Mais ce n’est que pour un quart d’heure.

YURIMAGUAS, PÉROU

Le lendemain matin, on réessaye de s’extirper. Partons. Il est midi et on voit toujours le port. Après quelques ratés, nous, le jeune groupe de gringos, sautons sur une petite barque de locaux pour revenir au port. Heureusement que je n’avais pas encore payé le capitaine du bateau ! De là, on revient en ville pour prendre un bateau rapide. C’est vrai que c’est plus cher. Mais rester seul sur un bateau qui ne fait qu’un kilomètre par jour, mon choix est vite fait ! Et puis… elles sont jolies ces Espagnoles !

Le soir est tombé. Beaucoup de personnes attendent l’heure du départ. Malheureusement, les moustiques sont également au rendez-vous… Dans le bateau, je suis assis à côté d’un retraité argentin grâce à qui je peux écrire la nuit via mon téléphone. Car si ça avait été quelqu’un d’autre, je n’aurais pas sympathisé au préalable, et donc je n’aurais certainement pas pu obtenir cette occasion. Enfin partis ! À toute allure, vers Iquitos !

RIO HUALLAGA (ENTRE YURIMAGUAS ET IQUITOS), PÉROU

Réveillé par le petit-déj, je mange le riz-poulet servi avec un bout de plantain…. froid. Je n’aime pas son goût. Je le laisse donc de côté. Mais, il est encore trop tôt pour le soleil. En attendant, je vais me taper un petit film anime. Bien évidemment, le bateau n’est pas équipé d’écran ou de quoique ce soit de numérique. J’utilise simplement mon téléphone.

Une fois arrivé, nous montons dans un bus qui rejoint la ville. Après quoi je me sépare des Espagnols et du couple d’informaticiens lyonnais. Je me dirige alors vers la place d’Armes avec le vieil argentin en bonne santé. J’apprends que malgré son très grand âge, il voyage sans argent. Il se finance en vendant des petites créations en métal (en cuivre, je crois). On marche tous les deux pour trouver l’hôtel le moins cher de la ville. Plus au nord, près des ports, on en trouve un. Ou plutôt, des « habitaciónes ». En Amérique du Sud, c’est un bâtiment constitué de plusieurs chambres, ici une vingtaine. Leur taille varie bien sûr en fonction du prix. Là, elles sont minuscules. Près de quatre mètres carrés. Il y a aussi deux douches et trois WC.

Une fois que je me suis installé, je pars pour un repérage. Il y a plusieurs ports différents. Certains n’accepte que des marchandises, certains autres uniquement des passagers (ce sont des navettes rapides mais chères) et d’autres un mix des deux qu’appelle barco. Je suis à la recherche d’un barco lent, pas trop cher, qui part pour Manaus. Mais, un direct semble assez difficile. Avec un peu de chance, je montrai dans un barco qui part pour la triple frontière (Pérou/Colombie/Brésil). Demain est mon jour de libre. Je vais pouvoir revoir le couple français, trainer en ville, visiter et m’informer sur les bateaux. Et quelques achats aussi ! Notamment, un foutu chargeur !

IQUITOS, PÉROU

Il fait chaud. C’est vrai. Mais, pas plus qu’à Dubaï ou Bandar quelque chose en plein ramadan. À onze heures, je vois le couple français avec qui je visite un marché, vide car la matinée de passer. Ça ne nous empêche pas d’en visiter les arrières fonds. À midi je mange. Puis vers quinze-seize heures, je rejoins les Espagnoles pour leurs achats de souvenirs artisanaux et pour quelques bières bien entendu.

IQUITOS, PÉROU

Au petit matin, je pars une fois de plus au port. Je m’arrange avec le capitaine. J’obtiens une petite réduction. Puis, je rentre pour saluer le vieil argentin voyageur une dernière fois et récupérer mes affaires. Aussi vieux qu’il soit, c’est un vieil ami voyageur. Dès midi, je suis sur le bateau. Au début, on est qu’à peine cinq ou six personnes. Mais le soir, je ne peux même plus compter le nombre de hamacs suspendus aux bars métalliques des plafonds. Il y en a sur les deux niveaux du barco. C’est passé du petit bateau cargo local trouvé en toute convivialité avec une petite réduction, au transport maritime industriel. Maintenant que le capitaine a sonné le départ pour la troisième fois, les insupportables vendeurs à la sauvette disparaissent.

Tous les petits déj’ sur les bateaux semblent être équivalent : la soupe au lait. Et on s’arrête assez souvent d’ailleurs. Je continue toute la journée jusqu’au soir à discuter avec un couple de retraités de Montpellier. Ils voyagent avec leur voilier autour du monde depuis cinq ans. Leur bateau est gardé à un quai sécurisé en Équateur. Puisqu’ils sont déjà passés par le Panama et donc les Caraïbes, je leur pose des questions. Notamment la route et les astuces pour rejoindre Cuba. Le soir Martine me raconte leur séjour à Cuba et en République Dominicaine. Elle soupire avec désarroi et colère face à la miséreuse situation politique ; face à la fausse libération de la mainmise communiste et socio-économique ; face à l’extrême pauvreté où le peuple mourant de faim doit attendre que les militaires aient finis de se servir en nourriture lors du passage du secours humanitaire. Bref, coincé entre l’empire américain et les destinations exotiques des îles du Caraïbes, elle est scandalisée devant ces îlots d’injustice et de pauvreté. C’est son récit.

RIO AMAZONIA (ENTRE IQUITOS ET LES TROIS FRONTIÈRES), PÉROU

On s’approche du Brésil. Et cette fois-ci, on a le droit au café au lait à la place de l’autre vieille soupe poudrée. Yes !






Le vieux couple de la mer

Avec le couple de retraités, on sort les premiers du bateau. Puis, on part en moto-taxi pour la ville frontalière. Et bien sûr, ils voulaient tous nous arnaquer. Après avoir fait les papiers de sortie du territoire péruvien, on ressaute sur un moto-taxi puis dans une petite péniche pour traversée la rivière et ainsi arriver à Tabatinga, la ville frontalière brésilienne.

Me voilà au Brésil !

C’est un vieux couple. Taquineries avancées… Chacun est bien comme il est. Sur le chemin vers le bureau d’immigration, elle me dit marchant « ah… il est toujours comme ça, ça m’énerve ». En effet, son sac est trop lourd. Pourtant, tous ces coups sont pardonnés. Même si l’un(e) est fâché(e), il ou elle soutiendra et protégera l’autre. Pas de coup bas ! Tel a été la promesse durant leur jeunesse après tout. Mais aujourd’hui, ce n’est pas la même ambiance. Les dix kilos portés comblé à la chaleur tropicale accablent son âge avancé. Je ne cesse de lui proposer mon aide. Je pourrais très bien porter deux sacs pour quelques heures. Mais elle me répond que c’est son mari, le papy-capitaine, qui marche « beaucoup » trop vite. C’est de sa faute quoi… Haha !

Ces voyageurs à la retraite m’inspirent. Si la solitude toque à nouveau à ma porte, il y a des chances que je parte à nouveau en voyage. Et probablement à leur âge. Et dans ce cas, sans tente ni « sac de cailloux ». Bien entendu, j’aurai avec moi plus d’économie en contrepartie. D’ailleurs, une vie de céliba’, qui peut-être m’offrirait plus de liberté, ne me convient toujours pas. Le rêve vécu de cette adorable famille musulmane en Bosnie m’y empêche. J’envie bien trop leur bonté et amour familial. Bon, arrêtons de rêver. Pour l’instant, j’ai déjà un voyage à finir.

TABATINGA, BRÉSIL

Voilà. Finalement, le prochain pays noté dans mon carnet. Le Brésil et non pas l’Équateur ou la Colombie comme l’imagine ma famille.

Pas d‘hôtel ou quoi que ce soit. Je dors sur le prochain bateau en destination de Manaus. Après cette bonne nuit, la douane passe sur le bateau. Un jeune chien douanier commence à renifler les sacs de chacun des passagers. J’imagine cela assez fréquent puisque que la Colombie, avec sa réputation, est juste à côté. Une fois les photos enregistrées par la police deux backpackeuses arrivent dans le même espace d’attente. Forcément, au milieu de tout des formalités un peu exagérées, ça attire mon attention !

Tout en installant nos hamacs, je commence à sympathiser avec une voyageuse suisse de dix mois en Amérique latine. Je me surprends à remarquer que je suis plus timide avec elle. Rien que lui demander si elle est célibataire, me semble être une grosse épreuve. Est-ce dû à mon arrivé au Brésil ? Non, je ne pense pas. J’ai moins de mal avec son amie péruvienne, qui voyage depuis quelques temps, qu’avec la Suissesse. Peut-être que c’est dû au français ; qu’inconsciemment, je me vois en France, chez moi… Alors qu’avec une fille qui ne parle qu’espagnole, il m’est plus facile de me dire : « Je n’ai rien à perdre ».

La langue n’est pas qu’un simple outil de communication. Je ne m’en suis jamais aperçu. C’est un lien. Un lien qui peut rapprocher deux personnes d’origines différentes. Elle reflète le fin fond de notre esprit ; le fond de notre culture ? Nous rend-elle plus intelligentes ? Empêche-t-elle une réflexion pure et approfondie ? Bref, m’empêche-t-elle d’interagir naturellement, ou plutôt sereinement, avec la personne qui me paraît avec si proche. Trop proche malgré mon désir ?

RIO AMAZONIA (ENTRE TABATIGA ET MANAUS), BRÉSIL

Dans ce bateau, la nourriture comme tout le reste est super bonne.

J’aime passer du temps avec un couple de retraités français. Surtout le papy-capitaine, malgré la différence d’âge. Il y a un bon feeling. Puis, je retrouve les filles et un Brésilien venu en réalité pour draguer la Suissesse puis un autre venu pour ME draguer… On a fini la réserve d’alcool du bar après deux parties de cartes un jeu d’alcool. En discutant avec la Suissesse, elle insiste pour que je m’ouvre sexuellement aux garçons : « Il faut bien tout essayer ! » Elle-même s’est déjà essayée avec une fille. Comment découvrir et se connaître autrement ? À cause des quelques verres d’alcool, cela m’a un peu perturbé. Non pas de ne pas avoir essayé des expériences homosexuelles. Je n’en ai jamais vraiment ressenti le besoin ni l’envie. Mais plutôt parce que j’ai été comme traité de « coincé ». Ce qui est d’autant plus difficile à recevoir de la part de la fille que l’on a en vu… J’ajouterai également que cette image, quelque en soit sa véracité, va à l’encontre de celle que je tente de bâtir par mon voyage ; le chemin plus difficile, alternatif au chemin de vie standard. Mais non. Pas forcément.

On attend sur le toit du bateau avec les deux filles pour voir quelques étoiles. La Suissesse part puis un Brésilien et jeune père de famille de vingt-six ans, arrive. On a du mal a communiqué. Par contre, on se comprend grâce aux noms d’animés japonais ! Dire que je puis parler à un brésilien grâce à la culture japonaise… Jamais je n’aurais imaginé cela ! Lol ! D’ailleurs, cache il parle de hentai ! La culture, peut-elle remplacer la langue ?…

RIO AMAZONIA (ENTER TABATINGA ET MANAUS), BRÉSIL

Après le petit-déj’, je tente ma chance avec la Suissesse en lui demandant de l’embrasser. Une fois refusé, je me sens soulagé. Fini ce poids hormonal. Je peux désormais avoir la tête libre et être tranquille. Je lui demande tout de même les défauts et loupés de ma drague. Une première ! Manque de feeling… C’est ce que j’en ai retenu.

Je reste sur mon idée. Rester soi-même, avec ce que l’on est. Bien entendu toujours en étant à l’écoute. Et continuer ma route avec ce que j’ai, mais surtout avec ce que je suis. J’ai donc envie de retrouver mon état de penser comme à Téhéran. Cette obstination de la sagesse. Pas besoin de tout essayer hommes, femmes, – enfants, arbres ? –. Et ce par nationalité ? Ah la sagesse… J’espère la trouver par l’expérience. Face à Dieu, j’essayerai d’être assez ouvert pour agir avec bonne foi. Donc, face à cette fille qui apporte un nouveau point de vu, vaudrait mieux l’écouter attentivement et en faire son propre avis par la suite. Tupac dit dans un de ses rap qu’il ne perd jamais. Soit, il gagne soit apprend. Quant à véracité, j’en doute. Il n’empêche, si je me borne dans ma seule et unique logique, ce serait bien là une grande défaite.

Plus tard, je rejoins le jeune père brésilien pour délirer, et puis les filles pour jouer au rummikub et à un jeu de cartes. Ensuite, avec le jeune père brésilien, on va sur le toit devant avec son ordinateur portable afin qu’il je puisse m’ajouter des films et des musiques dans mon téléphone. Désormais, il est plein ! Haha !

Je suis bloqué sur cette Suissesse et sur d’autres regrets. J’aurais peut-être pu la rencontrer avant. Un peu de sagesse et de maîtresse de soi préviendra cela. Plus de stoïcisme, m’aurait-il été utile ? Je tergiverse encore… En écrivant, je me rappelle que le contre-pied de la sagesse utilisé dans les Proverbes est la folie.

RIO AMAZONIA (ENTRE TABATINGA ET MANAUS), BRÉSIL

J’écoute désormais de la musique évangélique. C’est bien nouveau !

Soudainement, le temps change. Il commence à pleuvoir fort, très fort. Mais je vois cela de loin, à l’aide des nuages. C’est le papy-capitaine qui m’a un peu expliqué les bases. Se baser sur nature et sa météo me réjouit. Joyeusement, je scrute le ciel. L’idée de partir en mer, me plaît. Le bateau-stop depuis la Guyane me semble excitant. J’attends la prochaine aventure avec impatience.

En Amérique latine et surtout en Bolivie et Pérou, avoir mal au ventre était quotidien et même normal. Mais depuis hier soir, ça diminue au fur et à mesure de la soirée. Comme si mon corps sent qu’il se rapproche de la Guyane et des Caraïbes, un monde touristique, moderne et développé contrairement à la ruralité de l’Amazonie.

On arrive tranquillement à Manaus après un dernier jeu de carte. En même temps, je réalise la difficulté de logement qui m’attend aux îles caraïbes et en Guyane. Le minimum reste supérieur à cinquante euros par nuit et par personne. Là, je n’aurai plus le choix que de trouver autre chose, à l’arrache. En effet, je quitte petit à petit les pays pas trop chers où les auberges sont abordables.





L’énorme Amazone

MANAUS (PORT), BRÉSIL

On passe tout de même la nuit sur le bateau. Mais au petit matin vers 6h00, on est réveillé par les activités portuaires. Le vieux couple, les filles et moi partons pour prendre le café dans un marché en éveil. Il y a toujours un petit resto/bar qui est ouvert avant tout le reste pour choper les premiers arrivants.

D’abord, les filles nous quittent, car leur auberge est un peu excentrée. Les adieux sont encore moins émouvants que je pensais. Alors qu’avec les retraités de la mer, j’en ai les larmes aux yeux lorsqu’ils montent dans le taxi. Même un an et demi plus tard, je me rappelle que c’était dur. Au lieu du bisou, du câlin conventionnel – mais agréable – de départ, j’ai bien plus apprécié leurs souhaits espérés ; pour ma route maritime vers Cuba de la part du papy-capitaine ; de bien-être durant mon voyage de la part de la retraité. En effet, j’ai plus d’affinités avec les vieux schnocks, habituelle blague à part de du conjoint, qu’avec les belles Espagnoles.

Mes parents m’inspirent bien-sûr. Mais pas uniquement. D’autres personnes rencontrées sur route également. Et chacun(e) a sa qualité qui lui est propre. Et attention, ce n’est pas une guerre entre celui ou celle à qui je porte le plus d’intérêt ! Il me semble important de souligner que chaque personnalité est aussi complémentaire et non pas uniquement compétitive. Du :

  • Breton en Iran : Je prendrai son esprit jeune et aventureux malgré l’âge et les expériences de voyages passés. J’éviterai, je l’espère, de devenir par inadvertance un vieux schnock, décalé du monde et de ses sociétés. Ça fait longtemps que je ne l’ai pas vue. Mais sa personnalité et sa dynamique de vie autour du voyage me sont suffisamment surprenantes pour que je parle encore de lui.

  • vieil Argentin voyageur : Je prendrai sa simplicité. Quand bien-même, il a une petite chambre privée à deux-trois euros la nuit, ça ne le dérange pas de dormir quelques nuits sur le trottoir lorsqu’il vend ses bijoux. En effet, il aime discuter avec les passants et les autres brocanteurs. Cette joie fraternelle qu’il peut avoir avec ses voisins de boutique improvisée passe avant le confort du lit. Bien entendu, tous, dont moi, ne sont pas habitués à ce niveau de confort – et se sentiraient plutôt misérable à vrai dire. Il m’a même proposé : « Tu pourrais aussi vendre quelque chose pour financer ton voyage. C’est bien ! »

  • couple retraité de la mer : Je leur prendrais leur courage. A plus de soixante ans, ils sont grands-parents et retraités. Et ça fait plus de cinq ans qu’ils sont partis en voyage. Ils voyagent en voilier. Ils sont évidemment habitués au luxe de leur bateau. Et pourtant, ils arrivent tout de même à facilement changer de confort. Pas grand-chose ne diffère entre eux et moi. Hormis leur âge, leur expérience et leur budget. Ils n’ont peur de presque rien ; ils dorment également dans un hamac sur un bateau marchant ; ils ne réservent aucun hébergement en avance ; ils ne sont pas effrayer de vingt-cinq heures de vol avec deux escalas ; ils n’ont presque aucun problème à marcher là où il n’y pas de taxi. Mais le plus impressionnant est qu’ils aient pu se séparer de leur bateau. Vous me direz si tout est safe, le bateau est sécurisé, ça irait. Mais laisser de côté votre unique et dernier rempart, et à cet âge là, est très courageux !

J’aimerais bien visiter le théâtre. Mais un peu cher pour un si petit bâtiment… Entré gratos du coup ! Enfin… j’ai juste demandé à emprunter les toilettes. La visite n’est donc que de courte durée. Cinq minutes, tout au plus, comprenant un petit détour avec quelques photos prises entre-deux rideaux. La scène semble magnifique. Le musée comprend aussi un joli parc tout autour, qui lui est réellement gratuit. Je continue ma petite promenade le long des ruisseaux et à travers un nombre incalculable de petites ruelles. Je ne reste pas trop longtemps. J’ai beaucoup apprécié cette journée. Le seul mauvais point est d’avoir eu la flemme de remplacer les tongs par mes chaussures. Après toute cette journée de marche…

Après cela, je rentre au port sécurisé. C’est-à-dire que l’on ne peut accéder aux bateaux qu’avec un ticket. J’entre tout de même avec mon ticket d’arriver, espérant pouvoir négocier un trajet. Je prends aussi un ticket pour la prochaine destination. C’est un jour et demi pour soixante-dix reals brésiliens. Correct, car je peux aussi dormir cette nuit sur le bateau. Le départ est pour demain. Mais avant de me coucher, il me faut acheter à manger. Je redemande au garde si je peux bien revenir avec ce même ticket. « Tudo bom » me dit-il. Au retour vers le bateau, je pense néanmoins avoir acheté trop peu de nourriture. Mais bon. Je n’en mourrai pas. L’eau potable y est de toute façon gratuite et illimitée.

Dans la soirée, les agents du port – ou l’équipage, peu importe – commencent à embarquer des marchandises et d’autres biens des passagers… Mais c’est la façon de faire qui me parait est douteuse, ou plutôt stupéfiante ! Franchement, embarquer des voitures à l’aide de deux planches qui basculent… Wow !

MANAUS (PORT), BRÉSIL

Sur le bateau, les deux étages sont pleins. Même si la destination n’est pas touristique, j’y rencontre tout de même des voyageurs européens. Tant que j’y pense, ils sont rarement asiatique ou même nord-américains. Et leurs durées de voyage varient souvent entre six et quatorze mois.

La rencontre du Rio Negro et du Rio Solimoes, la convergence d’eaux noires et d’eaux brun clair est spectaculaire. L’un vient de la frontière colombo-vénézuélienne et l’autre du Pérou depuis la triple frontière d’où je viens.

Avec un Allemand et une Anglaise, on en est venu à discuter d’un nomade qui vit donc en voyageant. Il y a des gens qui font des choses incroyables. Du moins, j’en suis impressionné. Ça leur demande d’être suffisamment déterminé à se distancer de notre société, dont chacun en a une vision, et parfois radicalement, différente. Le film Into the wild en serait une bonne illustration. Mais personnellement, je n’ai pas de raison qui me pousse à m’évader seul dans la nature, loin de notre civilisation extra-consumériste. Au contraire, la société m’intrigue.

De temps à autre, certains me complimentent, me disent qu’eux ne pourraient faire ce que je fais. Mais c’est comme les marathons. Ce n’est que le début, l’échauffement, le temps d’atteindre le bon rythme, la bonne température. Puisqu’une fois lancé, tout roule. Un autre exemple. Je me compare souvent aux premières fois, les nombreux premiers doutes avant de déclarer sa flamme, de tenter d’embrasser l’autre. C’est ça qui est difficile. La relation peut durer un, cinq ou vingt ans. Certes, il y a des relations qui durent plus que d’autres. Mais pour un éternel célibataire, toutes restent inouïes. Alors qu’importe. Qu’importe le nombre d’années d’une relation ou de kilomètres d’une course. Si on a une raison construite, on peut se lancer. Je dirai même que l’on doit se lancer. Mon voyage n’est inaccessible pour qui que ce soit. Le plus difficile, c’est se lancer.

RIO AMAZONIA (ENTRE MANAUS ET SANTAREM), BRÉSIL

Je commence à m’habituer à ces barcos. Maintenant, j’en connais les bonnes astuces ; se placer loin du bar et de l’éventuel télévision si l’on souhaite passer une bonne nuit ; être le plus proche possible d’une prise électrique pour pouvoir l’utiliser et surveiller son appareil un maximum (très pratique si on l’utilise tout en le chargeant) ; éviter les points de passage fréquent, comme des escaliers ou les WC, puisque les gens pissent à toutes heures de la journée (et surtout de la nuit !).

On discute avec un Étasunien qui s’engorge d’alcool. Un vrai stéréotype : plusieurs litres de bière et quelques cocktails par jour. Il a une chambre ou une suite tandis que nous dormant tous dans des hamacs accrochés autres métalliques suspendues. Bref, on passe tout de même un chouette moment. Il nous prévient qu’il est bipolaire et a une façon d’être et de parler typiquement étasunien. Mais malheureusement pour lui, il n’aime pas être vu comme un gringo. Je le comprends. En effet, un Nord-Américain avec du fric et un peu frimeur en est la définition type pour la plupart des Sud-Américains. Difficile donc pour lui de s’échapper du cliché. Je reste avec lui de temps à autre, notamment puisqu’il nous offre quelques bières. Ça le rend d’autant plus sympa ! Héhé ! Vous noterez que je dis bien « Étasunien » et non « Américain ». J’ai remarqué que la plupart peuvent devenir assez susceptibles si on fait la confusion. Ainsi, j’essaye à juste raison de faire également attention à ce softpower. Ceux du Sud méritent tout autant d’être Américain que ceux du Nord. Je me couche heureux, satisfait de ces verres de bières qui m’ont été offert, à moi, un garçon – ce qui est rare si je me rappelle bien mes soirées en boîtes de nuit…

SANTAREM (PORT), BRÉSIL

Je quitte à nouveau d’autres voyageurs, pour me retrouver sur un autre bateau à destination de Macapa. Aujourd’hui, je suis excité à l’idée de la suite. Maintenant que mon ami x m’a répondu, les perspectives d’avenir se concrétisent. Une seule chose m’inquiète, c’est le temps sur les îles. Je m’explique. J’ai du temps, près de deux mois avant l’arrivée de ma sœur à La Havane. Ma priorité est donc d’avancer le plus vite possible vers Cuba. Beaucoup, comme mon ami nomade rencontré aux lignes de Nasca, trouve qu’il est dommage que je me presse autant. Mais ma sœur d’abord ! J’avancerai au rythme de mes économies journalières, de la montre qui tourne et de la météo caribéenne. Sans oublier qu’il me sera plus facile de jouer sur mes finances que sur la météo elle-même. Voir ma sœur m’est bien sûr plus important que mes petites finances quotidiennes…

En Guyane, tout a l’air cher. L’auberge la moins cher est de quatre-vingt-cinq euros. Autant dire que je compte beaucoup sur mon ami x et les églises. Mais je ne peux pas non plus profiter de son toit trop longtemps. Et en moins de deux semaines, je trouverai certainement un voilier. D’après les retraités de la mer, Trinidad est une île stratégique pour le bateau-stop, parce que les cyclones ne vont pas jusque là-bas. Sur cette île, l’auberge coûte près de trente à cinquante euros. Ce sera de là-bas, ou voir même directement depuis la Guyane, que je pourrais trouver un bateau allant à Saint-Martin. Sinon en Martinique, l’auberge coûte entre quarante et cinquante euros. Autant vous dire que je compte bien rentabiliser ma tente.

Je regarde un film-animé, Scroll-Ninja de 1993, qui est un vrai bain de sang. Mais ce samouraï est incroyable. Un personnage de valeurs.

RIO AMAZONIA (SANTAREM ET MACAPA), BRÉSIL

Encore combien de temps vais-je attendre ?… Qui sait de quoi je parlais…

Pendant ce temps, je ne peux oublier cette fille. Une fille dont je rêve tant, une fille parfaite ? Mais elle est désormais en couple. Pourquoi me l’a-t-il dit ? Il ? En bad, je commence à écrire un poème. Mais je me réconforte grâce au message envoyé par mon ami x : les Brésiliennes sont « chaudes ». Étonné, mais captivé, ça m’attire. Mais… rien à faire… Je me souviens qu’il y a quelques années de ça, une autre femme m’a envoyé par message si pourrait se voir autour « d’un verre ou deux ». J’étais confus et tout de suite, je me suis mis la pression. Au final, je ne suis jamais allé voir cette femme, cette jolie femme. Dommage… rien à faire. Ah ! Ça me rend nostalgique. Je regrette même d’avoir vu cette proposition, puisque la suite n’a laissé place qu’à de la frustration, du regret. Ce manquant m’a été, et m’est, affligeante. Aujourd’hui, je suis Monsieur Souvenir. D’ailleurs, les tranquilles bercements envoûtants de l’Amazonie m’entraînent dans mes souvenirs passés en Alsace. Ça m’amène aussi à penser à autre opportunité similaire, à une autre blonde. Mais quel est donc cette malédiction qui coupe mes histoires en cours d’intrigue ?

J’aimerai une aventure, une aventure charnelle. Si tel est mon but, pourquoi ne pas se bouger pour y arriver ? Mais comment puis-je donc honorer mes valeurs ? Cette fierté – peut-être fausse – d’être un bon gars, et par culture familiale, un bon jeune chrétien. Concrètement, depuis une ancienne petite amie, je pense m’être fermé aux relations « vides » de sentiment amoureux. Choc ou ma maturité ? Ah, et l’ « honneur » dans tout ça ? Peut-être n’est-ce qu’une façade proclamée qui n’est rien qu’un refuge face aux autres et à moi-même. Ai-je peur ? Timidité des garçons des temps modernes ? Néanmoins, ceci n’explique pas mon action iranienne en Turquie et française au Pérou… J’étais à l’aise, notamment la seconde fois. Des vraies aventures ! Pourtant, je ne peux me résoudre aux solutions d’un soir au long terme. L’affinité m’est primordiale ! … Comme tout le monde d’ailleurs. L’honneur, est-il donc réel ou ne serait que de la simple fantaisie ?

Cette fille, dont le rendez-vous n’a conclu que par des souvenirs et des remords, représente aujourd’hui l’objet de chacune de mes envies : exclusivité, simplicité, gentillesse, beauté, charnelle, complicité, Amour.

Le monde est bruyant. Dans bien des bateaux, la musique et/ou la télé sont constamment allumées. Et même si personne ne la regarde ou ne l’écoute, la responsable ne diminue que de très peu le volume sonore. Et même si quelqu’un, comme moi par exemple, tente de dormir ou de discuter à côté… Je constate est nécessaire de s’abrutir aux règles. Cela me parait bien illogique, surtout si personne ne regarde la télévision par exemple.






Pauvreté amazonienne

SANTANA (PORT), BRÉSIL

Je commence le stop vers la Guyane. Cette ville, Santana, est réputée pour être mal fréquentée. Mais avant ça, elle me paraît être assez pauvre. Une petite anecdote au passage. La gentillesse est souvent spontanée. Ici, un couple me donne près de cent reals, c’est-à-dire près de vingt euros, avec quelques fruits, une boisson et un sachet de chips. C’est simple et tellement généreux ! Surtout à moi, un typé occidental, proche du gringo.

J’avance de ride en ride vers la Guyane. Bien sûr, je n’y arriverai pas directement. Pendant que je fais du stop dans un petit village, un homme me demande ce que je fais. A priori, quatre heures – ou cinq heures, je ne m’en rappelle plus –, je compte dormir dans ce village. Lui demandant si c’est possible, il m’emmène à l’église afin de demander si je puis y passer la nuit.

En chemin, on rencontre une paroissienne, une femme qui, à priori, va à souvent à cette église. Elle nous propose volontiers de m’accueillir à la « Casa de Cristo » pour la nuit. Ça sonne vague. Mais c’est bien de chez elle dont elle parle. Quoi qu’il en soit, j’ai confiance en elle. Mais je suis assez préoccupé du lieu vers où on se dirige. Et en effet, arrivé au bout du village, près de la forêt, se trouve une petite maison – ou à vrai dire une cabane – où j’y pose mon sac. Elle y vit avec un homme, une autre femme et une petite dizaine de garçons. Je comprends alors qu’il s’agit d’une famille de connaissances, des personnes qui vivent et s’entraident par le Christ. Cette famille n’a donc aucun, à ma connaissance, lien sanguin. Mais ici, c’est la pauvreté matérielle (voir les photos) qui les unit comme une famille, dans cette cabane : la « Casa de Cristo ». Car, comme le sang, c’est ce qui les maintient. Et ils n’ont pas plus. À peine le nécessaire. La douche, c’est le sceau et le rideau en plastique ; la cuisine se compose d’un feu de bois en extérieur, que mon hôte doit certainement surveiller tous les jours ; quant à l’eau (si bien pour la vaisselle que ses propres aisselles), il faut aller la hisser à chaque fois du puits ; la table à manger, ce n’est rien d’autre qu’un banc de pique-nique que l’on dans la plupart des aires de repos ; et quant au salon, il faudrait choisir entre le coin entourant leur vieille télé ou simplement dehors et leur « jardin » autour de leur table à manger en plein air. Quant au reste, les chambres, elles se trouvent à l’intérieur et sont réparties en deux-pièces avec uniquement des lits superposés. C’est comme du camping. Mais tout au long de votre vie. Bref, ce soir, je dors dans la famille la plus pauvre du voyage.

Mais surtout… J’ai fait du foot avec les enfants, enfin les adolescents. Après quoi, on discute un peu. Il est vrai que ce n’est pas un milieu social auquel je suis habitué. Pourtant, je ne suis pas mal à aise. Il y a trois adultes : deux femmes et un homme. Tous travaillent et gèrent au moyen du bord la dizaine d’adolescents. Pas facile, car parfois, ils se frappent entre eux. Alors, elle les calme à coups de bâton. Quel spectacle ! Je dis ça, car je ne me suis jamais imaginé une telle situation. Et certes, le bâton n’est pas le bon outil d’éducation. Mais dans une telle situation, notamment de pauvreté, que feriez-vous ?

(Écris au Suriname) : Cette famille me marque encore. Il y a pire, bien sûr… (Écris au Japon) J’ajouterai aussi que malgré la différence du standard de vie, à aucun moment, je ne me suis senti envié, agressé ou mal à l’aise. Uniquement questionné et intéressé. Mais surtout… vraie.


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