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Photo du rédacteurJulien de Weijer

Bateau-stop

Dernière mise à jour : 24 août 2020

Cet article est un peu différent des autres. C’est un résumé uniquement basé sur mes carnets de voyage. J’ai donc beaucoup transcris afin de rattraper le retard pris. Et même si j’ai mis quelques ajouts qui complètent le récit, les contextes sont souvent bâclés. Jugez avec parcimonie et pardonnez mon écriture immature. La majorité des réflexions sont d’origine : second semestre 2018.

Si vous souhaitez faire modifier le contenu, pour des raisons personnelles, contactez-moi. Un onglet dédié vous le permet. Vous pouvez également me demander de visionner les vidéos.






Les Guyanes

Retour en « France »


TARTARUGALINHO, BRÉSIL

C’est la première fois que je conduis une voiture, alors que je fais du stop. Je roule avec son 4×4 et passe la frontière… en tant que conducteur. Quelle confiance ! D’ailleurs, entrer territorialement en France dans l’hémisphère sud est assez surprenant. Difficile de réaliser que l’on peut entrer dans un même pays depuis un autre continent, à l’autre bout de la planète. T’as l’impression que tu vas te téléporter en Europe. Une fois le panneau national « France » passé, la douanière, très française (physiquement et oralement), m’accueille. C’est étrange… En plus, il faut payer en Euro… Mais mince alors ! On vient du Brésil, en pleine Amérique du Sud !! Ça va au-delà de la surprise. C’en est même dérangeant, voir malsain ; se dire « on est chez nous », là, en pleine Amérique latine ?

On s’arrête en ville, à la rive. Il me laisse sa caisse pour que je puisse visiter les environs. Lui repart au Brésil, à la ville frontière, pour y retrouver une fille et y « passer du temps ensemble ». Il parle français et j’ai très bien compris le sous-entendu. Bien sûr que je me dis que c’est étrange, surtout parce qu’il y avait une frontière à passer. Mais puisqu’il en est le propriétaire, aucun souci ne peut se poser. À moins que ce soit une voiture volée. Mais ce serait chercher trop loin.

Pendant ce temps, je visite un village amérindien. Celui-ci semble plus moderne que ceux que l’on voit sur les documentaires. Mais en le visitant, je réalise l’incroyable fosse culturelle entre l’occident guyanais et la tradition amérindienne, toutes deux sur le même territoire. Plus tard, je me rappellerai que ça fait un peu parc à thème ou zoo à libre accès. Et encore faut-il reconnaître qui des amérindiens, des latinos et des franco-européens, moi (ou nous), sont les créatures incongrues… Suis-je réellement en France ? En tout cas, ça ne semble pas déranger les Brésiliens. Une petite Suisse latine où le salaire est bien supérieur qu’au Brésil ? Qui irait s’en plaindre ? Et qu’en pensent les natifs guyanais ? Les amérindiens précédents les premiers arrivants (s’il en reste) ? Et moi d’ailleurs ? Me suis-je déjà fait une opinion sur la légitimité française exercée sur l’outremer (et dans le reste du monde aussi d’ailleurs). On dirait que oui…

L’étonnant Brésilien revient vers 20h30. Entre temps, on tombe en panne, et bien sûr… je me fais piquer par un salaud de moustique. On attend en pleine nuit, en pleine Amazonie, le bidon d’essence apporté par son pote depuis Cayenne. Et c’est long ! Je vous laisse vérifier la mi-distance avec la frontière brésilienne, où l’on devrait à peu près se trouver à poireauter. Enfin, sans soucis, on arrive à Cayenne, chez l’étonnant Brésilien.

CAYENNE, FRANCE (GUYANE)

Ca fait des semaines que je n’ai pas pris de grâce-mat’ ! En plus à l’intérieur, sans se faire réveiller par une fraîche brise ou quelqu’un qui va aux toilettes alors que tu fais de ton mieux pour passer une raisonnable nuit dans ton hamac dépourvu d’isolation – thermique bien sûr, mais surtout sonore ! Le matin, je visite le centre, puis j’appelle mes parents.

L’après-midi, tranquille. Mais je sens bien que je ne peux y rester un mois. En effet, et connaissant ma situation (recherche de bateaux), il ne me suggère pas de rester.

CAYENNE, FRANCE (GUYANE)

Aujourd’hui encore, je passe en ville. Mais à l’aller, j’y perds mes affaires. Je reviens vers la voiture qui vient tout juste de me déposer… Mais non, rien. J’ai perdu la crème solaire, acheté au Brésil pour deux fois moins qu’ici, et aussi et surtout le livre de l’écrivaine parisienne devenue amie et rencontrée en Géorgie. Ah ! Pile au moment où il commence à m’intéresser (je ne lis pas vite !). Il y a avait d’autres choses. Mais sans intérêt. Par contre, je comprends qu’il est temps de faire le tri dans tout ce bordel qu’est devenu mon sac-maison. Je pourrais m’occuper de ça une fois arrivée chez mon ami x. Ah ! Quelle excuse ! Objectif : moins de dix kilos. Et ce, même si je dois abandonner ma tente. Il est temps. D’ailleurs, j’ai besoin d’un chargeur. Mais dans une boutique standard, c’est tellement cher ! Trente euros pour un chargeur de téléphone. C’est trois jours de budgets… À la place, j’opte plutôt pour celui à dix euros chez le chinois.

Aller ! Dès demain, je me lance concrètement dans cette nouvelle aventure maritime !

CAYENNE, FRANCE (GUYANE)

Après ma troisième nuit chez le brésilien, je me dirige vers un rond-point où je devrai rencontrer mon ami x. Je joue à un TD, un jeu sur le téléphone, en attendant. Et soudainement, je le vois dans une voiture après qu’il ait klaxonné. J’hallucine ! C’est lui. Là, au milieu de l’Amazonie ! On va chez un pote à sa copine pour un apéro-barbecue. Je sympathise avec la vingtaine d’invités. Avec mon ami, on se rappelle nos vieux souvenirs. À la fin, on rentre chez son père et je m’installe dans son chambre puisqu’il vient tout juste d’emménager dans son propre appartement.

KOUROU, FRANCE (GUYANE)

KOUROU, FRANCE (GUYANE)

Tout au long de mon séjour en Guyane, et spécialement à Kourou, je tiendrai assez peu mon carnet à jour. Pas mal de parties sont donc des souvenirs.

100ème vol d’Ariane 5 !

KOUROU, FRANCE (GUYANE)

Pas facile le stop aujourd’hui. Mais à force de discuter par-ci par-là avec les passants, je retrouve l’espoir. Je viens de louper un couple belge qui est parti pour Trinidad tout juste ce matin ! Je compte revenir samedi pour les portes ouvertes du club de voile. J’espère qu’il y aura une autre opportunité. Et d’ailleurs, j’aurai même le droit à une initiation de trente minutes. Mais depuis ce jour – et même un an plus tard – je regrette toujours d’avoir manqué cette chance unique !

KOUROU, FRANCE (GUYANE)

C’est stylé ! La visite du centre spatiale est vachement intéressante en plus d’être gratuite.

KOUROU, FRANCE (GUYANE)

Le lendemain, je pars retourne à Saint-Laurent pour l’initiation du club de voile. Ayant quelques heures d’avance, je profite pour faire un tour le long de la côte. Lorsque l’événement commence, on fait un tour et je sympathise avec la fille qui m’a proposé, quelques jours auparavant, de venir aujourd’hui. Ça sera ça de plus sur mon CV de sailor. Après avoir rangé le matériel pour cette porte ouverte, je vais en soirée avec la fille du club de voile. On va en boîte de nuit. Après la fermeture, vers quatre heures du matin, on discute encore une petite heure avant de rentrer chez elle. C’est moi qui roule jusqu’à chez elle. Déjà, elle se tient n’importe comment. Mais le pire est qu’en chemin, environ cinq-six heures du matin, se tiennent une cinquantaine de personnes sur la route. On aurait dit une manif’, mais sans slogan ni revendication. Juste une grande foule qui errant, là pleine campagne amazonienne, sans direction apparente. Mais qu’est-ce que font là tous ces gens ? Et pourquoi à cette heure-ci de la journée ? Je suis perplexe. On ne s’attend à rien en sortant d’une boîte de nuit. Et encore moins à une cinquantaine de… – j’ose faire là confusion –… de zombies.

SAINT-LAURENT, FRANCE (GUYANE)

On dort quelques heures pour ensuite manger laotien, près d’une crique où on peut également se baigner. Le soir, je prends beaucoup de plaisir à discuter avec son ami Maradona. Vu qu’il est du Suriname, on parle néerlandais tous les deux. Tof !






Suriname

SAINT-LAURENT, FRANCE (GUYANE)

Je repars le lendemain matin pour le Suriname. Après avoir reçu un ticket d’entrée de territoire, je vais au poste douanier français. Une péniche m’aperçoit attendre au quai, et passe me chercher afin de traverser la rivière. Ainsi, j’arrive au Suriname. Là-bas, alors que je fais du stop, un taxi s’arrête. J’explique mon cas et je m’attends à un refus assez classique. Sauf cette fois-ci, un passager paye pour moi. Wow ! Plus tard, je partage un verre et un rôti (spécialité locale) avec Suriname sympathique. Mais tout de même, j’en un peu gêné. Après quoi, je pars chez l’homme qui a accepté ma demande d’hébergement sur Couchsurfing (partage gratuit d’hébergement). Il est d’une bonté incroyable. Il est Indien et loue quelques chambres via AirBnB. Et malgré tout, il laisse dormir sur son canapé… qui certes, n’était pas le plus confortable.

Le soir, il y a un ou deux couples. Les deux mecs ont voyagé assez longtemps. Plus d’un an. Or, cette fois-ci, je ne demande plus les habituels conseils ; quel(s) pays est à voir ; un conseil pour à me donner. C’est la première fois que je demande comment éviter de voyager trop longtemps ; de devenir quelqu’un qui ne peut plus rester et construire sa vie dans un seul et même endroit ; un homme qui n’est plus capable de se sédentariser. J’ai peur de devenir un nomade. À ce jour, je ne réalisais pas qu’en posant ces questions, j’avais déjà la moitié de la réponse. Aussi, ce jour-là marque, je pense, la moitié de mon voyage. Non pas en temps. Mais avec le recul (près d’un an et demi plus tard), je pense avoir atteint une certaine satisfaction : Heureux d’avoir entrepris ce voyage, et fier du chemin parcouru. Était-ce le moment de rentrer ? J’aurai certainement regretté de ne pas être passé par le Japon, un objectif majeur.

PARAMARIBO, SURINAME

Après Saint-Laurent, je me dirige au spot surinamien. Mais pour y arriver, il me faut prendre un bus qui passe par la campagne. Ce bus du vingtième siècle est une expérience ! Je fais un tour à la seconde marina, Waterland. Mais c’est un resort où il me sera difficile de trouver quelqu’un qui puisse m’accepter. Je comprends d’ailleurs que presque personne ne monte jusqu’à Trinidad. En effet, rester ici en temps de cyclone, est plus sûr et bien moins cher ! Au principal port (pour voilier) surinamien, je rencontre notamment un couple sud-africain et leur garçon de trois ans. Eux restent ici pour quelques semaines. Au moins, j’ai passé le message.

PARAMARIBO, SURINAME

Je reviens au port. Il y a un bar avec un Wifi que j’utilise lorsque je suis seul. Je n’ai pas l’occasion de discuter avec l’un des Sud-Africains. Hier, on c’était dit « A demain ! ». Je l’ai peut-être pris un peu trop à la lettre ? En revanche, je rencontre un Néerlandais, qui lui reste, et également avec un couple de Français (ou Mauricien pour être plus précis).

PARAMARIBO, SURINAME

PARAMARIBO, SURINAME

Je rentre en Guyane. Pour passer la frontière, il faut aussi traverser la rivière. Et des deux côtés, le poste douanier est quelque part le long de la côte. Vous imaginez bien qu’avec un look d’Européen et un gros sac de voyageur, les maîtres de barques ne me font aucun tarif réduit… Et bien entendu, je ne souhaite pas me faire arnaquer. La semaine dernière, il n’y en avait qu’une seule péniche puisque j’ai attendu au poste douanier français. Aujourd’hui, je suis monté avec le plus gentil. Mauvaise idée… Mais bon. Pour cette fois-ci, c’est ok. En plus, j’ai fait tamponner mon ticket d’entrée territoire. Il n’est donc plus valable. Dommage car j’aurai pu traverser fissa, sans passer par la douane, et éviter ainsi de payer un autre ticket en revenant au Suriname.

L’apéro dure… J’y vois un jeune ingénieur de métropole de vingt-huit ans. Finalement, je suis heureux d’être parti après mes études. Par contre, je suis toujours fâché contre ce système surinamien de pompage à fric. En effet, une « Carte touristique » a certainement pour but de soutirer l’argent des visiteurs. Mais tout de même, c’est chiant…

KOUROU, FRANCE (GUYANE)

Dernier jour chez mon ami x.

PARAMARIBO, SURINAME

Retour au Suriname, d’où j’espère y trouver mon départ pour la mer Caraïbes. Après avoir repayé une carte touristique, je retourne chez l’Indien Couchsurfeur. J’espère que durant cette journée d’anniversaire du petit garçon sud-africain avec les « voileux », je trouverai un bateau qui puisse m’accepter. C’est une occasion en or. J’y connais déjà pas mal de monde. Et une grande majorité des capitaines, qui sont amarrés au port, seront susceptibles d’être présent. C’est d’ailleurs pour cette raison que je ne suis resté qu’une seule nuit chez mon ami x. Puisque je suis arrivé un peu tôt, je fais un saut sur leur bateau et participe à la soirée au détriment du dernier bus qui rejoint la ville. En effet, il est 17h20. Je l’ai loupé de vingt minutes… Je pourrais toujours rentrer en stop. Mais finalement, je dormirai sur le bateau des Sud-Africains. Arrivé sur le bateau, je dors dans le hamac sur le pont. Et enfin, je peux retirer ma chaussure. Je supporte une sacrée ampoule à mon pied-droit.

Au final, la soirée anniversaire ne m’a procuré aucune réelle opportunité.

DOMBURG, SURINAME

Avec l’enfant de quatre ans, on s’entend à merveille. Seul mon pied m’empêche de jouer avec lui. Pas loin de là, se trouve également un vieux couple. La femme semble avoir voyagé plus d’une dizaine d’années. Du moins, c’est ce que leur histoire raconte. Soudain, l’enfant pointe son jouet vers elle. Offensée, elle lui prend sa bouteille en plastique et refuse de la lui rendre. Il insiste. Mais elle garde la pauvre bouteille. Il se met finalement à crier et pleurer. Étonnement, elle ne change pas d’avis. Comment peut-on rester insensible face à un enfant immature – même gâté – en pleure alors que l’on a l’âge d’être grands-parents ? Est-ce parce qu’elle s’est (trop ?) éloignée des coutumes du monde durant toutes ces années ? En voyant la scène, et puisque c’est déjà la deuxième fois qu’un clash se produit entre le vieux couple et les Sud-Africains, le père se lève en colère et se précipite vers la vieille voyageuse. Il lui explique que l’enfant ne fait que ça pour jouer – ce qui me paraît tout aussi naturel que de pouvoir différencier un bus d’un bateau. La vieille voyageuse n’a tout simplement pas à arracher un jouet des mains d’un enfant de quatre ans, même si elle pourrait mal le prendre – ce qui peut se comprendre lorsque l’on nous pointe quelque chose –, et même si, effectivement, il n’était pas correct. Elle use de la force et de sa position d’adulte pour prendre le dessus et corriger un enfant trop jeune pour tout comprendre. La situation est ridicule. Mais le plus choquant est le regard plein de mépris qu’elle a envers le petit garçon. C’est une grotesque dispute de cours de récré… entre un gamin de moyenne section et une grand-mère.

Les années sabbatiques, un voyage introspectif me concernant, sont bonnes et nous permettent de prendre du recul afin de se (re)construire. Mais si c’est aux dépens d’une rupture totale avec la société au point de ne même plus savoir comment réagir face à un enfant, comme ici, qu’avons-nous alors accompli ? S’écarter oui, rompre, non. Si on arrive plus à rentrer en contact avec autrui, c’est un suicide social. Quant à moi, j’espère que « Happiness is only true when shared », dans le film Into the Wild, me semblera toujours évident.

Les prochains jours jonglent entre le repos avec quelques vidéos et animés et des passages à la marina qui ne donnent rien. J’espère que ma plaie cicatrisera vite. Je profite de mon repos pour faire quelques balades jusqu’à la supérette chinoise du coin qui vend un peu de tout pour pas trop cher. À force de faire du stop sans arrêt, j’ai du mal à apprécier une simple marche. Durant ces quelques jours, j’apprécie ces balades et ces instants de repos. Lors des journées de repos, afin de me payer une bonne conscience et d’éviter de m’affaisser dans le canapé ventilé, où j’y dors également, je vais chez le voisin pour écouter ses histoires d’oiseaux et de poèmes. Il est le père de l’Indien Couchsurfeur.

5 x PARAMARIBO, SURINAME

Journée de repos. J’appelle un ami n’a pas oublié notre appel cette fois-ci. Mais j’imagine que nous ne partageons pas les mêmes disponibilités.

Finalement, je décide de retourner en Guyane demain, car je n’y trouve aucun bateau.

PARAMARIBO, SURINAME

Avant de rentrer en France amazonienne, je vais à la messe samarienne… Je pars avec ce conseil : chercher et s’ouvrir à ce qui m’est difficile, mais avec beaucoup d’amour. Que ce soit un prêtre ou moi, nous avons tous des difficultés a accepté comme le riche et la vente de tous ses biens aux pauvres. Il ne faut pas rester sur ses acquis, ses biens, mais plutôt être dans « l’effort de… ». Dieu est. Dieu est inégal, mais équité.






Dernière chance guyanaise

J’arrive au Maroni, la rivière qui sépare la Guyane française du Suriname. C’est ma troisième traversée. Je me suis mis d’accord avec l’un des deux maîtres de péniche pour un prix de dix. C’est correct. Mais une fois arrivé à la rive opposée, l’autre me dit que ce n’est pas dix SRD, ce sur quoi je m’étais mis d’accord, mais dix USD. Et pendant plus de dix minutes, j’insiste pour lui donner quinze SRD, qu’il ne veut pas prendre. Autant vous dire qu’il n’est pas cohérent. Mais… c’était peut-être voulu… Une fois que j’accepte tout de même de donner vingt SRD, il les prend avec fausse hésitation (pour faire genre qu’il le prend contre son gré) et s’en va. Pourquoi fausse ? Parce qu’il ne suffit que de quelques pas avant que je le voie pouffer de rire ; fier d’avoir gagné le dilemme d’arnaque face à un blanc au courant du prix standard. Bref, j’ai payé le double… de moins d’un Euro. Mais ce moment était tellement intense, qu’encore un an et demi plus tard, je ressens encore de beaucoup d’agacement.

Une fois l’autre côté atteint, je passe rapidement à la marina. Je bois notamment un verre avec un vieux capitaine, un raciste non assumé d’après moi. Il m’a dit qu’aucun voilier ne compte partir prochainement puisqu’il est trop tôt. En effet, la pleine saison n’a pas encore commencé. Et il y a toujours un risque de cyclone, faible, mais tout de même. Je ne vous cache pas qu’il m’a fait perdre pas mal d’espoir dans la recherche de voilier. Puis, je rejoins l’ami surinamaise qui m’avait payé le taxi jusqu’à la capitale surinamaise l’autre jour. Le soir, on sort dans un bar, à la Guinguette. Je mets enfin un peu de parfum ! C’est rare en auto-stop. Il se chauffe tranquillement avant d’aller chanter en impro’. Et au second Ti-punch, il se lance ! Et j’adore son rap. Quel joie de voir un Surinamais rapper en français et néerlandais sans même être belge… Je suis un peu comme lui après tout. Je dors le soir chez lui. Et un an et demi plus tard, je chante toujours « Paramaribo, Paramaribo~… ».

SAINT-LAURENT, FRANCE (GUYANE)

Vers midi, je repars tranquillement. Mais le stop s’annonce difficile aujourd’hui. Il y a plusieurs « pouceux » qui attendent. Je dois donc faire la queue et me mettre à l’arrière. Mon ami x arrive avec un peu de retard. Pas de problème. Je peux enfin me reposer et glander un peu. Et j’ai un peu honte à le dire sachant que j’étais invité…

Les jours suivent. Beaucoup de ces journées sont similaires. Je résume donc ces deux semaines de d’aller-retour, et de repos bien sûr, trivialement.

15x KOUROU, FRANCE (GUYANE)

Lorsque je me repose, ces jours-là… Un jour, je cuisine des lasagnes aux légumes avec une salade de concombres. J’y consacre quelques heures tout de même. Trop de béchamel ! Mais ça n’empêche pas que le résultat soit bon ! Il n’y a que de la pâte dont je ne suis pas très fier. Le soir, tout comme la plupart d’entre elles d’ailleurs, se termine avec quelques verres de Kaihipi, un cocktail connu des Brésiliens. Lors de mes jours de repos, j’en profite pour faire des recherches sur Internet. Car oui, les bateaux peuvent également se trouver sur les nombreux sites dédiés. Ce n’est donc pas du 100 % repos. Que proposer aux capitaines de bateaux comme service ? Comment et où les aborder ? Qu’est-ce qu’il en est du point de vu financier ? Faut-il faire un CV de sailor ? J’envoie des messages à quelques personnes trouvées au hasard sur Facebook. Je consulte les forums et sites appropriés. Je vérifie les bonnes routes maritimes qui pourraient m’amener avec succès jusqu’à Cuba. Mais au vu de la difficulté du bateau-stop, je commence à rechercher aussi des vols d’avions. Ça fait désormais deux semaines que je loge dans le salon de mon ami x. En faisant le bilan de ce séjour guyanais, je note par la même occasion que ma paresse me fait bien défaut.

Lorsque je pars aux marinas, ces jours-là… Je rentre de la marina de Cayenne en stop, la conductrice voyage également en Guyane avec sa voiture. Elle cherche un endroit où dormir. J’appelle mon ami x. Peut-être qu’il pourra l’héberger. Mais je suis étonné qu’il me réponde « Négatif ! ». Heureusement que plus tard, on lui trouve un carbet (une cabane souvent louée pour une fête). Mais quelques jours plus tard, je comprends bien qu’inviter encore quelqu’un en plus fasse hésiter. C’est déjà extraordinaire qu’il me laisse son canapé aussi longtemps, et sans jamais me parler de départ ! Une petite semaine plus tard, je reviens au Dégrade de Cannes, la marina de Cayenne. Mais j’obtiens un refus de la part d’un capitaine, qui lui pouvait partir dans peu de temps. Et merde ! Je prends donc l’avion ! Au retour, une femme qui m’avait emmené en stop, il y a peut-être trois jours de ça, m’emmène pour la deuxième fois. Ça ne m’est jamais arrivé !

3x KOUROU, FRANCE (GUYANE)

Je me résous à payer alors à prendre un avion pour la Martinique. De là, j’aurais beaucoup plus de chance de faire du bateau-stop. D’autres questions se posent alors. Où vais-je loger là-bas ? Il faudrait croire que je me suis déjà habitué à être hébergé. Mais j’en ai une petite idée. Ça devrait le faire. Je pourrais demander à la sécurité s’il m’est possible de dormir dans l’aéroport en attendant que mes parents arrivent de la Guadeloupe le lendemain matin. Mais mentir ne me plaît point. Mais où dormirai-je sinon ? Dans le jardin de l’une des maisonnettes aux alentours ? Qui déranger à vingt-trois heures du soir ?… Les jours passent. Et l’hébergement m’angoisse toujours. L’Homme s’habitue vite… En attendant, je continue d’écrire mon blog et de trier mes photos jusqu’au jour du vol.

KOUROU, FRANCE (GUYANE)

Demain sera le grand départ. C’est comme ça que je le ressens. Mais c’est nouveau… J’appréhende un peu la vie sur une île comme la Martinique.

Lors de ma dernière balade en forêt avec mon ami x et sa copine, je réalise mon mal du pays. D’abord, ma famille et leur amour. Et aussi, tous les potes, comme une soirée tranquille autour d’une pizza, alors qu’il y en a un qui fait le marabout. On peut ajouter aussi le bon vin accompagné d’un bon fromage, une danse au rock avec une belle fille, une ex avec qui on s’embrassait en cachette lors d’une rando en montagne, et bien d’autres souvenirs. Même le stop commence à manquer !

KOUROU, FRANCE (GUYANE)

Aujourd’hui, jour du vol, on passe l’après-midi chez la sœur de la copine à mon ami x. Après quelques courses, on va à l’aéroport. Les adieux sont émouvants. J’en ai les larmes aux yeux. On dirait que je me suis bien attaché.






Caraïbes

Nouvelle chance

À la sortie de l’avion, je discute avec un Martiniquais. Au final, il m’emmène chez un ami à lui avec qui on fait une petite soirée. Ce soir, je dors donc chez le Martiniquais. Trouver un hébergement n’a pas été tellement difficile que ça au final.

LES TROIS-ÎLETS (L’ANSE À L’ÂNE), FRANCE (MARTINIQUE)

Je vais à Sainte-Anne, au mouillage (là où les bateaux posent l’ancre). Mais aussi parce que le rendez-vous Couchsurfing qui m’a accepté est là-bas. Il me faut un lieu où dormir pour ma recherche de bateau.

J’ai à peine le temps de faire un tour à la marina, qu’il fait déjà nuit. Je pars alors à la recherche du point de rencontre. Longeant la route, j’arrive finalement devant un petit chemin à travers un banc de forêt. Mais il fait trop noir, on y voit strictement rien. Et ce chemin ne m’inspire pas du tout d’ailleurs. Je retourne alors vers un resto, devant lequel je viens passer, afin d’obtenir un peu de wifi. Je revérifie le point de rendez-vous. Et je comprends que je dois effectivement me rendre au bout du chemin sinueux. À nouveau devant ce dernier, j’allume la lampe torche de mon téléphone puis je m’avance jusqu’à une voiture, où une chaîne coupe le passage. Après une courte hésitation, je l’enjambe avec courage. J’arrive au bout, entouré de moustique. Je n’ai pas envie de rester ici. Il fait tellement noir et l’endroit me paraît vachement sinistre. Je me dis alors : « À 19h05, je me casse ! ». Le temps passe… Ce lieu de rendez-vous est assez étrange quand même ! Et à l’instant où je décide de partir, j’entends un moteur d’annexe (une petite barque qui relie le voilier à la terre). Bon… ok, je reste.

Et effet, c’est bien lui. Il m’emmène sur un bateau… en bois. Pourri, mais pirate ! Ce bateau semble vraiment stylé ! Sur le pont, se trouvent les deux hôtes du bateau et deux autres Couchsurfeurs. Plus tard, d’autres joindront le navire pour la soirée, dont deux Argentines et une Espagnole. Bref, il y a du monde. Deux invités me disent qu’ils ont un plan. Un bateau qui irait jusqu’à Antigua !

SAINTE-ANNE (POINTE MARIN), FRANCE (MARTINIQUE)

J’espère que le plan pour Antigua se fera. Ça me fera déjà partir demain ! Mais plus tard dans la journée, je trouve autre chose via une annonce que j’avais postée sur Internet. Je fonce direct à travers toute la Martinique depuis Sainte-Anne, la pointe Sud de l’île, vers Saint-Pierre, le nord de l’île.

J’attends alors dans un petit snack avec mon petit soda. Après quelques dizaines de minutes, le capitaine américain arrive. Il est correct et aime sa petite-amie qui est apparemment absente afin de soutenir une amie malade. C’est elle en réalité qui lui a proposé, via un groupe Facebook, que je l’accompagne. En effet, vérifier la fiabilité d’un capitaine est tout aussi important pour le capitaine lui-même que pour l’équipier.

Dans une minuscule cabine, à l’avant du bateau, je passe une excellente nuit.

SAINT-PIERRE (MOUILLAGE), FRANCE (MARTINIQUE)

La première journée de navigation se passe bien. J’ai un peu faim tout au long de la journée. Mais bon. Je ne vais pas commencer à faire ma princesse. Aussi, je suis rassuré de le voir que je ne l’intéresse pas plus que ça. Car il arrive que la principale raison d’un(e) capitaine d’embaucher un équipier gratuitement soit le jeune attrait physique. Fort heureusement, il passe la plupart de son temps sur CandyCrush et à appeler sa femme. Si elle ne lui avait pas suggéré de m’emmener avec lui, je serais certainement encore en train de zoner dans une marina martiniquaise. Et en effet, j’ai plutôt l’impression d’être un passager ou un boulet plutôt qu’un indispensable marin.

Sur le bateau, il est le responsable. Il vérifie les modalités d’immigrations, la direction, la météo prévue et m’apprend les quelques tâches qui lui facilite le voyage. Moi, j’exécute. C’est-à-dire que je veille souvent l’horizon et la direction à la barre.

ROSEAU (MOUILLAGE), DOMINIQUE

« Opinions are like assholes. Nobody wants to hear yours »

Après la Dominique, on avance tranquillement entre deux tempêtes ; celle de devant nous est rapidement passée sous le nez (direction NE) ; celle de derrière recouvre désormais la Dominique.

Puisqu’on s’est levé à 4h40 du mat’, on arrivera certainement en Guadeloupe aux environs de quinze heures. C’est donc en « sautant d’île en île » que l’on atteindra Saba, d’où je pourrais prendre un ferry pour Saint-Martin.

En lisant « Mes racines sont dans le Ciel » de Père Ceyrac, je trouve le huitième chapitre intéressant. Il demande aux étudiants qui occuperont, peut-être un jour, de hautes fonctions de connaître les situations des pays dites « du Sud » ; que les « pays privilégiés » n’oublient pas les trois-quarts de la Terre moins favorisés. Personnellement, une fois mes études d’ingénieur achevées, je suis parti voyager par certains des pays plus et moins favorisé. Et c’est, en effet, bien vrai. Aussi parce que chrétien, une autre citation m’apporte beaucoup d’espérance : « Ce monde de demain, un monde basé sur des valeurs nouvelles, où la priorité est donnée à l’Homme, et non aux valeurs de l’argent ». C’est vraiment le jour des citations aujourd’hui…

Arrivé en Guadeloupe, à Rivière Sens, le port est complet. Mince ! On attend alors quarante-cinq minutes pour l’essence. Mais finalement, on décide de poser l’ancre au mouillage. On fera l’essence demain.

Soudain, une tempête approche, nous faisant reculer de plusieurs mètres, malgré l’ancre jetée. C’est-à-dire que le vent est suffisamment fort pour tirer le bateau, déjà ancré, en arrière. D’ailleurs, l’ancre était bien enfoncée. Le capitaine américain l’a vérifié en plongeant à huit mètres… Du coup, je vais à mon post, au-devant du bateau pour remonter l’ancre. À son commandement, je fais descendre l’ancre. C’est plus près du bord, là où le fond est moins profond et la mer moins agitée. Puis, je lance la seconde ancre pour s’assurer que le bateau ne dérivera pas en pleine nuit. Car si l’ancre ne tient pas, il se peut que l’on se retrouve quelque part au milieu de la mer, ou pire, que l’on se heurte au large de l’île. Finalement, une fois notre bordel mis en place en pleine tempête, le vent tombe et devient quasi-nul pour le restant de la nuit. Tout ça, pour ça… Mais c’était une très bonne expérience. Lui, était à la barre en utilisant le moteur afin de diriger le bateau. Moi, j’étais devant pour lancer les deux ancres, sous les directions du capitaine, et en lui indiquant où elles sont une fois lancées. C’était stressé et excitant.

RIVIÈRE SENS (MOUILLAGE), FRANCE (GUADELOUPE)

Après une omelette iranienne et du Grits (plats du sud des États-Unis), on part enfin faire de l’essence. Par ailleurs, il est de la Caroline du Sud. Et dû au vent d’hier soir, il me félicite en high-five. C’est bien, la confiance s’installe.

On devrait arriver à notre prochaine escale, Deshaies, pour midi. On aura du maquereau espagnol frais, péché à l’instant sur le bateau. Il est bon ! On arrive au port. L’après-midi passe vite. On s’enfile quelques bières. Et le soir, on va au manger au restaurant. Ça fait tellement longtemps que je n’ai pas mangé un bon repas français avec du vin. Le hic est que j’ai dû payer pour nous deux. Soixante-dix euros quand t’es voyageur, ça fait mal ! Mais vu que l’on se partage les frais, c’est donc bien naturel.

DESHAIES (MOUILLAGE), FRANCE (GUADELOUPE)

Après une petite quiche et un petit pain au chocolat, on part vers Montserrat. Il n’y a rien autour. Après treize miles – à mi-distance des deux îles –, Montserrat et Guadeloupe sont à peine visibles.

À l’instant le plus tranquille, tout vient d’un trait. Une troupe de dauphins, arrivent en sautant. Incroyables ! Puis, la canne à pêche tombe à l’eau. Heureusement qu’il l’a attaché au bateau ! Tandis qu’il s’occupe du gros poisson, je me charge de la barre et remonte le foc (la voile avant), car un gros coup de vent a rejoint le trio de surprises. Ce soir, on aura du bon thon. Il fait un mètre et près de cinq kilos.

Je regrette presque d’avoir donné rendez-vous, lors de mon voyage, avec une amie et ma sœur. Ça cause quelques contraintes qui m’empêchent notamment d’agir sur des coups de tête, comme là fois au Pérou. Ma trajectoire ne peut donc librement changer. Mais c’est sûrement un mal pour un bien. Et en réalité, j’en ai bien besoin. Avec toutes ces heures de calmes sur l’eau, j’ai plus de temps pour réfléchir à mon futur. Je suis assez sûr de fonder ma propre famille. Mais quant à ma vie professionnelle, c’est encore flou.

On approche l’île. Montserrat semble être un bel endroit ! Sur le bateau, on prépare le poisson : Du thon frais en mode sushi peu cuit. Merveilleux !

LITTLE BAY (MOUILLAGE), ROYAUME-UNI (MONTSERRAT)

Quelle île ! C’est calme, beau et tranquille. Peu à peu, on s’approche de notre destination : Saba. Rien de spécial ne se passe durant le trajet. Hormis le fait que j’ai réussi à finir un jeu mobile. Mais ça reste accessoire.

Le soir, on arrive à Niévès. Mais notre dingy, l’annexe d’un bateau en anglais, est un peu endommagé. Le moteur a pris un l’eau. Au vu de cette situation, assez pourrie en sois, le capitaine américain décide de continuer jusqu’à Saint-Kitts finalement où on s’attachera par la suite à l’embarcadère. Là-bas, on pourra acheter une pièce de rechange si nécessaire.

Ce soir, on se fait plaisir ! Un hamburger de steak de poisson avec le thon qui reste. Le poisson était tellement gros, que l’on en a frit pour l’apéro. Pendant ce temps, les deux steaks durcissent au congélateur (avant de les cuire à la poêle) ; les baguettes enrobées d’huiles grillent au four.

BASSETERRE (EMBARCADÈRE), ROYAUME-UNI (SAINT-KITTS)

Tandis que le capitaine américain répare l’annexe, j’envoie quelques requêtes CouchSurfing. Aujourd’hui, c’est notre dernière journée de voile ensemble. On se rapproche tous les deux de notre objectif respectif. Lui, rentre à Sainte-Croix pour ensuite voler vers les États-Unis et ainsi retrouver sa petite-amie. Quant à moi, je vais à Saint-Martin d’où il est le plus favorable de trouver un bateau qui se dirigerait vers Cuba et ainsi y retrouver ma sœur. Tous les deux, nous avançons pour rejoindre des êtres qui nous sont chers.

Nous arrivons à cette petite île rustre, montagneuse et un peu étrange. Cette île est entourée de falaises et il n’y a qu’un seul port. Nous nous attachons à un morring ball (une bouée destinée au mouillage fixée solidement dans le sol), côté nord-ouest à Well’s Bay. Une petite route très escarpée donne accès à la ville. Au port, plus loin, se trouve le bureau d’immigration. C’est là où nous irons demain. Depuis le bateau, on peut apercevoir un escalier qui donne sur la mer. Au bout de dernier, se trouve un bâtiment qui n’est plus utilisé. Il s’agit de l’ancien office du port servant également de bureau d’immigration. Auparavant, cet escalier était le seul accès de l’île. C’est vraiment reculé comme endroit, Saba. On pourrait y tourner un film, tellement l’endroit est atypique.

WELL’S BAY (MOUILLAGE), PAYS-BAS (SABA)

À six heures du matin, on se lève pour rejoindre l’île avec l’annexe. Tel qu’on le craignait, le moteur a lâché. On a simplement vidé l’eau noyant le moteur sans chercher à réparer quelconque pièce défectueuse. Il le fera une fois rentrer, à Sainte-Croix. On a dû alors ramer une dizaine de minutes. Puis, une fois la rive atteinte, on monte l’annexe suffisamment haute afin que le capitaine américain puisse l’attaché solidement à un rocher. Vaux mieux, car si la marée monte de trop haut, le dingy risque de se détacher, laissant le capitaine américain dépourvu de moyen d’accès à son bateau. Lui comme moi craignons donc son retour au bateau. En plus, il devra ramer seul, et en contre-courant…

On commence à monter. Après quinze minutes, le taxi arrive. Il nous emmène d’abord à un ATM, puis à un resto-bar d’un hôtel qui offre le petit-déjeuner. La ville ressemble à un immense resort ; nous sommes au milieu des Caraïbes ; les bâtiments ont une tendance néerlandaise ; la monnaie et la langue officielles de l’île sont américaines. Mais ça reste un territoire néerlandais malgré tout. Étonnant. Et en effet, je verrai plus tard, à l’office d’immigration, une photo de l’actuel couple royale du Royaume des Pays-Bas. Mais ne vous y détrompez pas, les États-Unis ne sont pas loin. Toujours au resto-bar, je finis mon merveilleux “Dutch breakfast”. Genre, on n’est pas aux Pays-Bas… Quoi qu’il en soit, le ventre bien rempli, on se dirige vers le port pour le check-in et le check-out, où j’y verrai la fameuse photo. Je garderai toujours cette impression d’île reculé deluxe à l’Américaine. On pourrait très bien y tourner un James Bond aux trousses d’un méchant milliardaire qui se relaxe dans sa villa perdue au milieu des Caraïbes !






Dernière île, dernière angoisse ?

Maintenant que le capitaine américain est parti, je me retrouve à nouveau seul, à la recherche du prochain bateau. Je me sentais bien à ses côtés. Je pourrais dire qu’il s’est bien occupé de moi. Ça m’infantilise bien sûr. Mais en effet, j’étais sur son bateau aux milieux de la mer. Et malgré cette situation étriquée, on avait une bonne complicité. C’est mieux…

J’attends le début du ferry. Du coup, je prends le temps de me raser… dans les toilettes publiques et en extérieur. Il le faut bien lorsque ton père te répète qu’ainsi, tu ne ressembles à rien. Bien sûr, ce n’est rien de méchant. Il ne te fait que laisser un simple message. Un message important qui te prévient : « Ne te laisse pas aller ! ». Et en parlant de lui, je pense qu’il serait bien que je m’intéresse davantage au philosophe allemand… Quelque chose Widkenstein ?… Non seulement par intérêt pour sa philosophie, mais surtout parce que mon père l’étudie depuis plusieurs années. Je pense qu’il serait très heureux de pouvoir partager ses réflexions avec au moins une de ses connaissances. Et encore mieux si c’est l’un de ses enfants.

Plus tard, j’aperçois des passagers venant de Saint-Martin en ferry, que je dois le prendre à 15h30 – sois dans à peu près six heures. Quelques touristes se prennent en selfie avec un des murs décoratifs de bienvenue. J’entends, mais peut-être par erreur, un gamin crier « Selfish ! ». A-t-il pensé au même jeu de mots en voyant les visiteurs se prenant en photo avec un mur décoratif d’un port ?

Cette petite île me redonne l’envie de voyage. Mais en même temps, je pense à mon retour. C’est sûrement dû au changement du type de voyage après avoir (trop) traîné en Guyane française. Je n’y ai même pas noté certaines nuits passées – c’est la première fois. Il n’y a que les conducteurs qui m’ont aidé en stop, que je n’oublie pas d’écrire. Aucune période de transition n’est de toute façon facile. Elles sont souvent accompagnées de doutes et de remises en question. Pour l’instant, je continue ; l’envie d’enfin revoir un membre de ma famille m’y pousse.

Mes incertitudes en matière de logement sont, elles aussi, toujours présentent. La même question : « Où vais-je dormir ? ». Suis-je vraiment habitué à l’insécurité ? N’ai-je réellement aucune appréhension lorsque je ne sais pas où je compte passer la nuit ? Et ce, même si l’ai déjà vécu des dizaines, voir des centaines, de fois ? Nos banalités, nous semblent-elles toujours assurées au moindre changement ? On dit souvent : « Ouais, t’inquiètes. J’ai l’habitude ! ». Cette illusion, ne nous apporte-t-elle pas en réalité encore plus d’insécurité ? Du moins, tout cela est bien mon cas. L’humain est effectivement fragile. Et si l’on part de ce postulat, l’humanité ne possède rien d’immuable. Je pense donc que l’espoir et l’entraide sont les outils pour la construction d’une réelle sûreté. Et encore…

Le ferry arrive. Il y a plus de personne que je pensais. Et il va vite. Très vite ! Vingt-sept nœuds ! C’est trois à quatre fois la vitesse du petit voilier. Je me renseigne auprès des passagers, s’ils ne connaîtraient pas une petite astuce de logement, un parc ou un jardin. Je reçois quelques avis, mais aucune proposition concrète ; ni d’eux, ni de CouchSurfing. On arrive à Saint-Martin. Je fonce vers l’immigration. Arrivée au comptoir, une femme me demande un billet de retour… que je n’ai pas. On me précise qu’il est obligatoire d’en possédé un à destination du pays d’origine. Mais, ça passe. Bizarre tout de même que l’on demande un billet d’avion pour les Pays-Bas à un passeport néerlandais… D’ailleurs, je ne fais que passer d’un territoire de la couronne néerlandaise, Saba, vers une autre île, qui elle aussi, est un territoire néerlandais.

Je suis enfin à cette fameuse île ! Je pars à la recherche des crew houses, des auberges pour équipiers. En effet, l’île ne m’inspire pas assez pour dormir dehors. Finalement, après de longues heures de marche et de renseignement, je prends un lit pour trente euros la nuit… C’est la moins chère de l’île. Mais si c’est tout de même, la plus chère que j’ai payée durant mon voyage.

Un gars de la chambre pourrait éventuellement m’emmener aux British Virgin Islands. Mais le problème est qu’un ticket de retour y est aussi nécessaire. Et si seulement, c’était l’unique problème, ça irait. Mais une fois arrivé sur place, il me faudra soit prendre un ferry pour Porto Rico, soit trouver un bateau qui m’emmène à Cuba. Je pars alors à la recherche de formalités d’immigrations. Cette galère me stresse. Une galère assez coûteuse…

COLEBAY, PAYS-BAS (SAINT-MARTIN)

Tôt, le matin, je pars faire un tour des marinas ; sans succès pour quiconque irait vers l’ouest. Par ailleurs, il n’y a pas tant de bateaux que ça. Un autre point m’inquiète. Je n’arrive pas à retirer des dollars américains. Heureusement que j’ai toujours quelques euros de côté, « sous le matelas ». Mais j’en aurai besoin plus tard ; à Cuba, il n’y a aucun distributeur. Enfin, j’apprends qu’il n’y a pas de ferry reliant les British Virgin Islands (BVI) à Porto Rico (PR).

Bien des choses me font perdre espoir :

  • les formalités des requièrent un billet de sortie de territoire et , par où je passerais très probablement, requiert l’ESTA (visa électronique) puisqu’elle fait partie des États-Unis (qui notamment sous Trump, ne m’accepteront pas facile puisqu’un visa iranien y est tamponné) ;

  • l’insécurité ressentie me pousse à rester à la ;

  • la vie est chère, notamment les logements ;

  • l’insuffisance de bateaux et de temps s’opposent ; c’est comme être pressé en pleine grève des transports.

Et puis merde ! Ça fait trop longtemps que je galère en bateau stop ! Presque deux mois. Je suis fatigué et je veux voir ma sœur. Avec l’aide de mon père, je paye mon avion Saint-Martin-Toronto-Calgary-Cancun ainsi qu’un autre vol pour La Havane depuis Cancun.

COLEBAY, PAYS-BAS (SAINT-MARTIN)

Aujourd’hui, je prends l’avion pour l’Amérique du Nord. « J512982522 ». Un peu stressé par le vol, je demande si c’est bien le bon aéroport. Je me rappelle le problème que j’ai eu de Dubaï à Buenos Aires. En effet, il ne faut pas se tromper entre le français et le néerlandais. Ok, je suis au bon aéroport. À l’ouverture du comptoir de la compagnie aérienne, West Jet, je suis le premier à me présenter. Plus préparé, on ne peut pas. Mais les problèmes recommencent. Vivement, que je puisse être tranquille, loin de ces îles vendeuses de fausses libertés…

Les formalités sont de retour ! C’est un mot bien banal, mais qui est entouré de problèmes. Souvent, les formalités existent pour éviter un problème commun. Mais parfois, elle excuse un business lucratif. Bref, au moment du check-in, on me prévient qu’un code AVA (programme ETA) est nécessaire pour voyager par le Canada. Putain ! Ainsi, je n’ai pas de visa…

J’appelle en stress mon père qui paye d’abord un site d’arnaque, pour dix fois le prix officiel. Puis, parce que ça n’a pas l’air de fonctionner, il refait la demande sur un autre site. Enfin, je reçois le code ETA. Cet énorme stress, qui m’est mon vol sous la sellette, a duré deux heures. Et c’est fou… À chaque fois que je me tire en avion comme depuis Dubaï, avec des causes similaires (un coup de tête dû à l’impossibilité de faire du bateau-stop), il y a une merde. Je ne souhaite que transiter par le Canada. Cette formalité, est-elle réellement nécessaire ? Ou, est-ce encore un autre faux visa arnaco-lucrative ? Rien de plus, me diriez-vous ?…

Heureux, je retourne une nième fois au comptoir. Même si je suis arrivé le premier au comptoir avec près de quatre heures d’avance, je suis désormais le dernier passager à s’enregistrer. Et à trente minutes du départ, le système de l’aéroport ne reconnaît pas mon code ETA qui pourtant a été vérifié comme étant un code confirmé. Il ne reste plus que quinze minutes avant le vol et je ne suis toujours pas assis sur mon putain de siège. C’est limpide pour tous les agents que je tout à fait le mérite d’obtenir ma place dans l’avion. Quelques minutes plus tard, je comprends que l’agente a forcé mon statut d’immigration me reconnaissant ainsi comme légalement autorisé à entrer au Canada. C’est à la suite d’un appel de la femme, qui au passage fait de son mieux pour m’aider, que j’ai pu entrer, en courant, dans l’avion à temps. Au vu mon stress et mon angoisse de quatre heures, elle a été très compatissante. Tout est bon !

J’ai tellement de reconnaissance envers mon papa qui à chaque fois me sort du pétrin administratif. Merci pap’ ! J’ai de chance que ma graine, moi, ne soit ni tomber au bord du chemin, ni manger par les oiseaux, ni englouti par les ronces. Enfin… faut espérer. Ma famille est merveilleuse. Avec un tel bagage d’ « être », il serait égoïste que je n’en fasse rien ; laissant mon « être » pourrir par mon ego. Il faut que je pousse « davantage, toujours davantage », comme le raconte Père Ceyrac dans son livre, afin que l’arbre de mon être apporte le plus de fruits possible. Je le prie.

Après ce passage, je me demande bien si tout ça est bien normal. Ma sœur n’avait pas besoin quoique ce soit lors de son transit’ en Russie. Alors que moi, européen, j’en ai besoin pour une escale au Canada. Pourquoi les nations nord-américaines (et l’Argentine) me rendent ça si contraignant ? Avec une telle suite d’événements, on ne pense pas forcément au contexte historique. Pourquoi me rajouter des frais touristiques pour une simple escale ? Pas de soucis pour les habitués. Mais qu’en est-il pour ceux qui ne savent pas ? Et pour ceux qui en plus ont peu de moyens ? Un billet d’avion n’est pas un simple voyage pour beaucoup de gens. Personne ne prend d’assurance remboursement. Et au moindre faux pas, on l’a dans l’os. Un billet d’avion est un risque lorsque nos moyens sont limités.

On dit qu’il est plus « facile » de voyager maintenant. En 2018, le monde est ouvert, se modernise, se connecte… Pourquoi donc ajouter ces entourloupes officielles ? Il y a sûrement de bonnes raisons. Après, est-ce la bonne façon de faire ? Je pense notamment à André Brugiroux qui, dans son livre « La route et ses chemins », raconte être souvent bloqué dû aux visas. Mais là au moins, pas de coups de bas. Tu fais ta demande, et on te répond « Oui » ou « Non ». Et pas un « Oui » dans lequel tu as investi qui peut tomber à l’eau à tout moment. Tout ça à cause d’une sortie du territoire non-planifiée, d’une simple escale sans « visa ». Alors… Est-ce réellement plus facile de voyager que dans les années soixante, quatre-vingts ? Sommes-nous dans un monde plus ouvert que lors de la guerre froide ? Peut-être, avouons que la réponse n’est pas évidente. Par ailleurs, si ce genre de problème m’arrive, moi qui suis européen… Qu’en est-il des réfugiés ? J’ai de l’argent, une capacité à communiquer et un passeport de l’Union européenne. Or, en Asie du Sud-est, il y en a qui meurent littéralement par un renvoi « Rejected », raconté dans le livre du Père Ceyrac. Ça me rappelle ce que me racontait un Iranien… TABERNACLE !!


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