DÉPART
Pour bien commencer, j'ai débuté avec un faux départ. Je pensais faire mon visa iranien en avance car celui-ci risque d'être compliqué. Hélas, suivre les étapes du e-visa ne suffisait pas. Car une fois arrivé à l'ambassade indiquée, Bern, il m'a fallu aussi compléter les documents manquants. Du genre, les empreintes digitales que l'on ne peut pas se procurer soi-même en France.
Emmené par mes bien-aimés parents, je démarre à Worb, en périphérie de la capitale suisse. Jour après jour, j'ai pris un grand plaisir de voir que la femme est tout autant chef de famille ou de groupe que l'homme, quelle soit mère au foyer ou quelle soit coiffeuse. Mon opinion (car c'est un sujet qui me tient à cœur) : l'avancée réside dans l'importance qu'on lui accorde sans avoir besoin de se justifier par je ne sais quel titre paraissant prestigieux. En effet, j'ai découvert que la famille pouvait avoir une structure matriarcale. Il serait réducteur de croire que cela est impossible ou contradictoire.
IM DIE BERGEN
J'ai pu passer ma première nuit au "Kloster d'Einsiedelt", laver mes habits, manger gracieusement en contre partie d'un mode de paiement original, proposé par un frère : "Tu aideras de-même la prochaine personne que tu rencontreras".
Je tiens à ajouter qu'en lui énonçant mon "pourquoi de mon aventure" il me salua : "J'espère que tu trouveras qui se cache derrière ton étoile".
Le paysage me paraissait trop beau pour simplement continuer. Je me suis fait une petite marche de quelques heures "Into the Wild". La vue était splendide. Un lac gelé entouré de collines et de sapins enneigés.
Traversant le pont, je m'enfonçais dans la montagne encore plus charmant qu'auparavant. Un petit village suisse perdu au milieu des montagnes.
WALENSEE
Plus loin, on m'a proposé de faire une rando le long de Walensee. Et justement, j'ai voulu en profiter à ce moment-là ! J'ai marché quasi toute la journée pour arriver à Quiten, au milieu du lac, uniquement accessible à pied ou en bateau. J'ai alors cherché désespérément un endroit où dormir, à l’abri des autorisations, du vent violent et des fréquentes chutes d'arbres. Un couple me guide à un dépôt de bois couvert où j'ai pu, tant bien que mal, poser ma tente.
Après avoir passé une nuit assez froide, j’empaquette mes affaires et reprends la marche qui devient de plus en plus insensé. La fatigue se sent, la nourriture presque épuisé, la neige atteint le haut du tibia et la présence d'animaux fréquente. Je commençais à me perdre sérieusement: je m'éloignais du lac (mon point de repère et je ne savais pas combien de temps il restait. Après avoir glissé plusieurs fois avec mon sac de 10 kg, je rebrousse chemin en me foulant la cheville (pour la 3ème fois). Là c'était décidé, la marche était finie. Je retourne vers la civilisation car je n'ai pas envie de finir dans la nature comme "Into the Wild" ou comme "Gabriel et la montagne". Ainsi, je descendais avec hâte et prudence car je n'ai pu croiser personne (ni en chemin ni par des traces de pas). Heureusement, la douleur n'était pas intense.
DANS LES HAUTEURS D'AUTRICHE
La nuit passée était froide et j'ai passé une bonne dizaine d'heures à marcher. J'avais qu'un seul souhait : le confort. Mais je pose ma tente à Feldkirch et m'y dépose dans l'espoir d'obtenir du repos. Cette fois-ci je mets un pyjama ! Mais cette nuit était encore plus froide et bien sûr moins odorante qu'avant. C'est-à-dire que tu ne cherches qu'à t'endormir malgré :
le froid incessant ;
la crainte de rencontrer des bourrés, des chiens ou encore des forces de l'ordre ;
la solitude qui s'installe dans mes pensées.
Le matin une vieille dame, Johanna, m'invite à boire un thé puis 2 puis 3 et manger jusqu'au point où mon estomac sature. D'une gentillesse cette grand-mère !
A partir de ce matin-là, j'en ai eu assez des montagnes : direction l'autoroute. Mes rencontres variaient aussi de plus en plus :
Un autostoppeur suédois (et le seul jusqu'à aujourd'hui) ;
Bernd et Jürgen, vendeurs de disques vinyles ;
Alexander, le militaire russe, très fier de sa famille et de sa patrie ;
Franck, le commentateur technique de ski autrichien, dont l'anecdote me rappelle ma randonnée suisse ("La montagne est puissante. Ne la sous-estime pas.").
VILLACH
Venant de Feldkirch et passant par Salzbourg, j'arrive en camion à Villach, suffocant de chaleur et d'odeur de cigarette (l'une après l'autre durant des heures). Ici, je ne devrais plus avoir aussi froid. Mais au milieu de supermarchés, l'herbe environnante était trop dure et, d'après le personnel, les contrôles policiers nocturnes réguliers. Et il y était interdit de camper de la sorte qui plus est. Un croate m'emmène alors en ville, dans un immeuble en rénovation. Il me permet de dormir dans la cage d'escalier accompagné de toilettes. Je pouvais ainsi laver mes habilles, mes cheveux et autres parties du corps à l'aide d'un petit lavabo. Toujours au aguets... je me lève tranquille et prêt au départ pour 8h environ. A mon premier pas, la lumière s'allume. Quelqu'un monte. Ça doit être le gars d'hier soir, du moins je prie pour que ce soit lui. En me voyant, il était très surpris de me voir. Hélas ce n'était pas le croate mais le propriétaire de l'immeuble qui n'était pas d'avis du tout que je puisse dormir dans sa cage d'escalier. Je tentais de lui expliquer la situation mais il ne voulait rien n'entendre. "Du gest hier aus oder ich rufe die Polizei". En effet, j'étais en délit et j'ai été chassé du lieu.
En ville, pas de cybercafé. Je vois en périphérie du centre un café "TRAVEL". Au vue de la situation, je me vois comme intrus à l'ambiance moderne. Plus on s'inscrit dans un centre-ville, plus l'organisation prime. Du coup, l’auto-stoppeur et son camping sauvage n'ont pas lieu d'être. Je ressemble davantage à un immigrant dans un pays, orienté par un gouvernement plutôt xénophobe, qu'à un touriste prêt à échanger son fric contre du divertissement. D'un mon argent ne sert pas à cela, et de deux je refuse ce divertissement. Y aurait-il de la place pour l'authenticité, qui est bien entendu apporté individuellement, avec les standards touristico-rentables ?
FERLACH
Encouragé par les conducteurs, j'arrive au plus au sud de l'Autriche avec difficulté. Je commence à remettre en question mon aventure assez sérieusement. La solitude jouant son rôle, je demeure un jeune rêvant d'évasion qui a pris le courage de partir. Mais je ne suis pas de ces aventuriers qui parcourent le monde. Au moment où je confronte mes habitudes de citadin à celle d'un humain en route, une fille de mon âge s'arrête. Surprise de plus, Michela m'invite aussi à boire un verre avec ses potes. Jusqu'au bout de la soirée les verres de bières se sont vidées jusqu'à ma limite. Une très chouette soirée avec également Clara, Michèle et Urs, chez qui j'ai pu rester 2 nuits sur leurs canapés. Après toutes ces péripéties, une telle nuit m'a fait beaucoup de bien. Pour les remercier, j'ai préparé une quiche lorraine et un poulet méditerranéen accompagné de riz.